Jusqu’où le mécontentement peut-il s’étendre ?

Environ 3000 à Dole, un peu plus de 5000 à Lons, pas loin d'un millier à Saint-Claude... La première journée de manifestations contre la réforme des retraites fut effectivement "la plus grande mobilisation sociale depuis 20 ans". Serait-t-elle le préambule d'une contestation populaire plus radicale ? Certains indicateurs incitent à l'envisager...

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« La retraite avant l’arthrite« 

Dans le Jura, il s’en est fallu de peu pour que la barre symboliques des 10.000 manifestants ne soit atteinte. Environ 3000 à Dole, un peu plus de 5000 à Lons, pas loin d’un millier à Saint-Claude…
Après le succès de cette première journée de manifestations contre la réforme des retraites, jeudi dernier (1,12 million de manifestants dans les rues de France selon le ministère de l’Intérieur, 2 millions selon la CGT…), les syndicats réunis en intersyndicale (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, Solidaires, FSU) ont décidé de la tenue d’une nouvelle journée de mobilisation interprofessionnelle ce mardi 31 janvier.
Une manière pour l’intersyndicale de « laisser du temps de travail aux salariés afin qu’ils puissent à nouveau faire grève à la fin du mois »…
Cette initiative est soutenue par de nombreux responsables politiques, comme le secrétaire national du Parti communiste français, Fabien Roussel, lequel affirme :
« S’il faut arriver à ce qu’il y ait des grèves massives, fortes, dans tous les secteurs d’activité de notre pays parce que le gouvernement s’entête, eh bien, on en arrivera à ça ».
Sur Twitter, jeudi, le leader Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, a quant à lui salué « la plus grande mobilisation sociale depuis 20 ans ».
De son côte, le gouvernement a concédé que la mobilisation avait été « importante ».
Pour autant, l’exécutif n’entend pas retirer son projet de réforme des retraites. Du moins pour le moment…
« Il est de notre responsabilité de convaincre les manifestants », a ainsi déclaré Gabriel Attal, ministre délégué chargé des Comptes publics, lors d’un entretien sur France Inter vendredi.
Cet entêtement à rester sourd aux appels (au secours) de la rue, peut-il donner le départ d’une nouvelle escalade des tensions qui traversent notre pays ? Ils sont une importante majorité à le croire.

Ce qu’ils en pensent…

Laetitia Jarrot Mermet et Mathieu Schlienger, co-présidents de L’Union écologique et sociale (UES) :

L’Union écologique et sociale (UES) a relayé la première journée de mobilisation contre la réforme des retraites le 19 janvier 2023, à l’initiative des organisations syndicales unies,
et appelle la population du Jura à contribuer massivement à son succès en participant aux manifestations.
Le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans avec une accélération de l’augmentation de la durée de cotisation est rejeté par 83 % de la population.
Cette réforme va frapper de plein fouet l’ensemble des travailleurs et travailleuses, et
plus particulièrement, les plus précaires, dont l’espérance de vie est inférieure au reste
de la population, et celles et ceux dont la pénibilité des métiers n’est pas reconnue. Elle
va aggraver la précarité de celles et ceux n’étant déjà plus en emploi avant leur retraite,
réduira leurs pensions et renforcera les inégalités femmes-hommes.
L’Union Écologique et sociale multipliera ses efforts pour contribuer à élargir dans le Jura
la mobilisation au lendemain du 19 janvier, dans l’échange avec les syndicats et les
partenaires associatifs et politiques engagés pour mettre en échec ce projet du
gouvernement.
L’UES est une association née le 7 décembre 2022, pour porter les valeurs de la gauche
écologique, populaire et sociale sur le territoire de la 3ème circonscription du Jura. Elle
regroupe des membres des 4 formations de la NUPES et aussi des citoyens qui ne sont
membres d’aucun parti.

David Grosclaude, co-porte-parole de Régions et Peuples Solidaires

Régions et Peuples Solidaires dit son opposition au projet de fixer à 64 ans, et à fortiori à 65 ans, l’âge légal de la retraite. Le projet que porte le gouvernement est injuste.
Sur un tel sujet, la prise en compte des propositions émanant des organisations syndicales et de l’ensemble des organisations politiques est une nécessité absolue, sur le plan démocratique et social.
La totalité des organisations syndicales est opposée à ce projet. On ne peut pas mettre en place une telle réforme si les organisations représentatives des salariés du public et du privé désapprouvent le projet ainsi que la méthode employée .
Tenter de passer en force sur un tel sujet est une erreur politique et relève même de la provocation. Le gouvernement doit trouver la voie du consensus.
Passer à 43 années de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein est un choix qui pénalisera les plus précaires.
L’équité et la justice doivent prévaloir sur la vision comptable qui a présidé à la rédaction de ce projet de réforme.
C’est particulièrement vrai pour ceux qui ont connu des périodes de chômage (carrières hachées) et qui toucheront des pensions très modestes. Les aménagements prévus concernant la prise en compte des métiers pénibles doivent être clarifiés.
La question de l’emploi des séniors est aussi à mieux prendre en compte. Ils sont trop nombreux encore à arriver à l’âge de la retraite en situation de demandeurs d’emploi.

Jean-Philippe Allenbach : Président du Mouvement Franche-Comté

Les réactions syndicales françaises face au projet du gouvernement de faire passer l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans semblent aussi surréalistes qu’irréalistes puisqu’il est chez nos voisins européens de 67 ans (Allemagne, Italie, Pays-Bas et Portugal) ou de  65 ans (Belgique, Luxembourg, Espagne, et Suisse).
Nouvelle « exception française » en Europe donc… Ce qui malheureusement ne peut que conforter aux yeux de nos voisins européens l’image qu’il a bien souvent du Français qui « ne voudrait pas travailler et serait toujours en grève ».
Sans oublier, en plus, que les séniors français sont de ceux qui, en Europe, travaillent le moins une fois atteint l’âge légal de départ à la retraite !
Or, à un moment où, avec raison, on ne cesse de dénoncer la faiblesse du pouvoir d’achat, ce n’est certainement pas en travaillant moins que l’on pourra gagner plus…
En tout cas, raison de plus pour la Franche-Comté de tout faire pour sortir au plus vite  de cet « archaïsme social à la française » qui lui est imposé ainsi que de ce vieux système centraliste dans lequel elle est enfermée. Ce qui fait que tout conflit social, même limité, peut très bien prendre très rapidement une dimension nationale, avec à la clé des risque de grèves sur l’ensemble du territoire.
Et ce, au détriment notamment des Francs-Comtois.

 

Près de 3000 personnes se sont rassemblées à Dole.

 

Un nouveau groupe de manifestants à Lons

La section Jura de la CNT (Confédération nationale du travail) participe aux manifestations dans le département depuis cet automne. Ils étaient une trentaine de ce syndicat intercorporatif des travailleurs/travailleuses et précaires à s’être mobilisés contre les retraites à 64 ans. « Pas pour défendre un certain âge, mais parce que la lutte sociale doit avoir à cœur cette première condition : abolir le salariat », explique un de ces membres, le salariat étant entendu comme un lien de subordination avec l’employeur.
Pas très enclins à échanger avec une journaliste, nous avons malgré tout récupéré contre quelques pièces jaunes leur Bocas – bulletin d’observation critique anarcho-syndicaliste. Dans celui-ci, ils font un compte-rendu de leurs premières manifestations à Lons-le-Saunier. Morceau choisi : « Après l’échec de la journée précédente, peu d’entre nous se voyaient aller hurler avec les loups sur la place. Comment imaginer qu’un débrayage tous les dix jours suffise à gagner face aux patrons et à l’État ? Nous serons tout de même présent.es pour dénoncer ces manifestations saute-moutons qui ne mobilisent personne, sauf les quelques retraités de sections. »
De nombreux « travailleur.euses » peu habitués de ces rendez-vous s’étant mobilisés ce 19 janvier, nul doute que cela leur aura redonné du baume au cœur. Si c’est le cas, ils marcheront de nouveau le 31 janvier avec leurs drapeaux constitués d’un triangle rouge, d’un triangle noir, avec les lettres CNT en blanc et le symbolique chat noir, hérissé et toutes griffes dehors.

A Lons, ils étaient 5 500 selon la CGT, 2 800 selon la police.