Culture. Antoine Béthouart, le Premier vicaire

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Antoine Béthouart est né le 17 décembre 1889 à Dole. Il a été fait citoyen de la ville de Dole. Photo : Ordre de la Libération
14 juin 1944, sur le pont de La Combattante : le général Béthouart et l’amiral Thierry-d’Argenlieu accompagnent le général de Gaulle. C’est l’heure du retour en France.
14 juin 1944, c’est fait, c’est le retour en France. A Bayeux, premier bain de foule pour le général de Gaulle, accompagné du général Béthouart,
Juin 1944 en Italie, probablement après la prise de Rome. Les généraux Béthouart, Juin et Brosset avec le général de Gaulle.
Insbrück, en Autriche. En 1950, le général Béthouart vit ses derniers moments de haut-commissaire. Il décore le général Renouard.

Avril 1940, à Narvik en Norvège

En avril 1940, pour contrer les avancées allemandes en Scandinavie, notamment en Norvège, une opération de soutien est organisée. Elle mobilise les Britanniques, les Polonais et les Français. Antoine Béthouart commande les troupes françaises composées de chasseurs alpins et de légionnaires (1). Le débarquement du côté de Narvik est un succès. Toutefois, en France, c’est la débâcle, les troupes de Bethouart sont évacuées de Norvège.

Antoine Bethouart en tire un enseignement : « Nous avons à Narvik exécuté les premiers débarquements de vive force de la guerre. Jusqu’ici condamnés, cette réussite entraîne un revirement d’opinion. Le commandement allié s’en est inspiré pour approfondir la possibilité des opérations amphibies ».

28 juin 1940, à Londres, avec le général de Gaulle

Après l’évacuation de Norvège et diverses péripéties, Antoine Béthouart se retrouve à Londres avec ses troupes. En France, l’armistice a été signé, la confusion règne. Le 26 juin, il rencontre le général de Gaulle une première fois. Ils échangent leur point de vue. Bethouart préfère rentrer pour juger sur place de la situation, et ne pas abandonner ses troupes. Il invite le général de Gaulle à venir leur parler. Il les rencontre le 28 juin. Parmi elles, le colonel Raoul Magrin-Vernerey se rallie à la France Libre, il entraîne avec lui un millier de légionnaires dont Bernard Saint Hillier, un jeune officier natif de Dole,

Vient l’heure de la séparation, « émouvante » selon le mot d’Antoine Bethouart. De Gaulle lui dit : « Enfin, si tu reviens, nous ferons équipe à deux ». Ils se reverront. En novembre 1943, le général de Gaulle le nomme alors chef d’état-major de la Défense nationale.

10 novembre 1942, au Maroc, face à une cour martiale

Nommé au Maroc par les autorités de Vichy, Antoine Béthouart est de ces officiers qui restent mobilisés pour la reprise des combats. Quand les alliés préparent un débarquement en Afrique du Nord, ils cherchent des appuis dans l’armée française. Antoine Béthouart dirige la division militaire de Casablanca. Il est contacté, accepte, organise la paralysie des défenses de l’armée. Malheureusement, pour un problème de calendrier mal ajusté, les officiers fidèles à Vichy reprennent la main. Avec son équipe, Antoine Bethouart est arrêté. Le 10 novembre, tous sont traduits devant une cour martiale, risquant la peine de mort. Une situation ubuesque alors que les troupes américaines ne sont plus qu’à quelques heures de marche. Finalement, les membres de la cour martiale tergiversent. Les accusés attendront le 17 novembre pour être libérés. La position de nombre d’officiers restés fidèles à Vichy, et qui envoient leurs troupes au casse-pipe contre les Américains laisse de l’amertume. Antoine Bethouart écrit : « Les généraux qui se sont montrés le plus lamentablement serviles recevront de l’avancement. Mes collaborateurs et leurs familles seront comme la mienne (…) poursuivis pendant plus de six mois, par la rancune des autorités (…) que rongeait peut-être le remord des sacrifices inutiles qu’elles avaient provoquées ».

14 juin 1944, en Normandie, le retour en France

Le 14 juin 1944, c’est le retour en France pour le général de Gaulle qui l’avait quittée le 17 juin 1940. Antoine Béthouart accompagne le général a bord du navire La Combattante. Le navire accoste à Courseulles, puis ce sont les premiers échanges avec la population. Après une rencontre avec le général Montgomery, cap sur la sous-préfecture de Bayeux où, note Antoine Béthouart, le portrait du maréchal Pétain n’a toujours pas été décroché. Le général de Gaulle y installe les nouvelles institutions liées au gouvernement provisoire. C’est l’heure de rencontrer la population avec un bain de foule qui en appellera d’autres. La délégation se disperse ensuite dans divers lieux. Antoine Béthouart passe un long moment à Courseulles, notamment avec des membres de la résistance dont le chef est un garagiste. Des instants émouvant. Il écrit : « Ces deux heures passées à Courseulles libérée, dans cette atmosphère de fraternité française resteront pour un moi un des grands moments de la guerre ». Une guerre qui n’est pas terminée.

7 décembre 1944, à Montbéliard avec le général de Lattre de Tassigny

Après le débarquement de Provence le 15 août 1944, Antoine Béthouart prend la tête du premier corps d’armée de la Première armée française commandée par Jean de Lattre de Tassigny. Ils se connaissent depuis leur école préparatoire au concours d’entrée à Saint-Cyr. Travailler avec le bouillant de Lattre n’est pas toujours simple. À l’automne, le front s’était stabilisé aux portes de Belfort. Une première offensive a échoué. Fin novembre, une seconde perce le front, Antoine Béthouart y joue un grand rôle. Il reste de la tension. A Montbéliard, dans l’hôtel de la Balance, de Lattre et Béthouart ont une explication « orageuse », selon le mot du Dolois. Rebelote le lendemain à propos de la mutation du général Chevillon, proche de Béthouart. Béthouart va jusqu’à lui demander d’être « relevé de son commandement ».

Antoine Béthouart écrit : « Alors, c’est le grand jeu. Il fait du charme, promet de donner une division à Chevillon… dès que possible ». Le Dolois poursuit :  » Intérieurement, je revois le passé, notre amitié, ses dons extraordinaires, la façon magistrale dont il a enlevé Marseille et Toulon, la poursuite, l’amalgame. Puis, il y a eu la campagne des Vosges, il s’y est engagé imprudemment. Il a dû constater l’échec et revenir à la solution que je lui avais proposée. Il l’a fait courageusement et avec habileté mais avec des restrictions que je ne jugeais pas nécessaire. Les événements m’ont donné raison, cela l’exaspère. Nous avons cependant remporté un succès éclatant, c’est le sien. La première armée française, l’armée de Lattre est arrivée première sur le Rhin ».

De Lattre parle, Bethouart écoute, tout à ses souvenirs. « Nous nous regardons. Tous nos souvenirs communs depuis 1907 sont là, présents. Alors, il ouvre ses bras et en riant, me dit  » Allons, embrasse-moi ». Nous avons tous les deux les larmes aux yeux. Notre intimité en sera resserrée. Après cet incident, il ne m’appellera plus que son premier vicaire ».

Jean-Claude Barbeaux

(1) La 13e demi-brigade la Légion étrangère commandée par le franc-comtois Raoul Magrin-Vernerey.

(2) Les citations sont extraites de Cinq années d’espérance, mémoires de guerre 1939-1945, ouvrage d’Antoine Béthouart paru chez Plon.

Une vie

Le général Béthouart est Compagnon de la Libération.

17 décembre 1889. Naissance à Dole, la famille vit rue Dusillet, actuelle rue Marcel Aymé. Son père est conservateur des hypothèques.

  1. A Versailles, école préparatoire à l’entrée au concours d’entrée à Saint-Cyr avec un certain Jean de Lattre de Tassigny.
  2. Admis à Saint-Cyr, promotion Fez, avec Charles de Gaulle et Alphonse Juin.

Première Guerre mondiale. Engagé sur tous les fronts, il termine la guerre avec trois citations, trois blessures et le grade de capitaine.

Après-guerre. Mission en Finlande puis École de guerre.

1928. Il a rejoint les chasseurs alpins, il est promu chef de bataillon.

1931-1932. Adjoint de l’attaché militaire en Yougoslavie.

Jusqu’en 1938. Attaché militaire en Yougoslavie. Promu lieutenant-colonel.

  1. Nommé au commandement de la 5e demi-brigade de chasseurs alpins.

Avril 1940. Prend le commandement du corps expéditionnaire français formé pour l’expédition de Narvik.

Juillet 1940. Après quelques semaines à Londres, il part pour le Maroc.

Janvier 1942. Il prend le commandement de la division de Casablanca.

Novembre 1942. Il fait partie des officiers qui aident les alliés pendant le débarquement du 8 novembre. Il est arrêté par les autorités de Vichy, traduit en cour martiale puis libéré, non sans mal.

Décembre 1942. Nommé général de division. Il part pour Washington pour négocier l’équipement de l’armée française par les Etats-Unis.

Novembre 1943. Nommé général de corps d’armée, il retrouve le général de Gaulle qui le nomme chef d’état-major de la Défense nationale.

14 juin 1944. Il accompagne le retour en France du général de Gaulle qui débarque à Courseulles en Normandie.

Automne 1944. Il prend le commandement du premier corps d’armée. Il provoque la rupture du front dans le secteur de Belfort et atteint le Rhin.

  1. Il participe à toutes les opérations, jusqu’en Autriche et à la capitulation allemande.

7 juillet 1945. Il est fait Compagnon de la Libération.

1946-1950. Haut-commissaire dans la zone d’occupation française en Autriche.

  1. Il quitte l’armée avec le grade de général d’armée.

1955-1971. Sénateur des Français résidant hors de France. Il écrit plusieurs livres, il tient aussi de nombreuses chroniques dans Le Figaro.

Septembre 1971. Il est fait Citoyen d’honneur de la ville de Dole.

17 octobre 1982. Décès à Fréjus. Il est inhumé à Rue, dans la Somme.