Grands mots, Grands remèdes…La Palice

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Gérard Bouvier

Merci à vous Monsieur Poubelle (1). Merci à vous Monsieur Jacuzzi. Et merci aussi à vous Macadam et Rustine. Et Béchameil, Kalachnikov, Parmentier et Rimmel.
Surtout Béchameil (2).
Vous avez laissé votre nom plus ou moins écorché à des inventions qui ont fait votre gloire. Ou pas. Leur usage courant a transformé notre quotidien.
Merci à vous aussi Bécassine et à toi Guignol.
C’est l’antonomase (3) qui consiste à rendre justice à un inventeur en faisant de son patronyme un nom commun sans majuscule. Et cette minuscule le grandit à jamais dans nos dictionnaires.
Mais notre jugement a ses faiblesses et il y a parfois des injustices.
Ainsi Jacques II de Chabannes, seigneur de La Palice et maréchal de France serait en droit de se plaindre d’avoir si souvent à se retourner dans sa tombe. Il fut un héros qui trouva une mort glorieuse au siège de Pavie en 1525 aux côtés de François I er .
Les soldats sous ses ordres, éclaboussés du sang du héros composèrent une chanson à sa gloire. Une idée reprise bien plus tard par Pierre Perret pour faire l’éloge des colonies de vacances.

Hélas, La Palice est mort,
Il est mort devant Pavie ;
Hélas, s’il n’était pas mort,
Il ferait encore envie.

Trois fois hélas ! Car des mécréants qui sont la honte de leur ville natale ne trouvèrent rien mieux que de mutiler le poème des trouvères et troubadours. Abusant de la ressemblance en ces temps anciens de la calligraphie du F et du S, ils chantèrent sans scrupule :

Hélas, s’il n’était pas mort,
Il serait encore en vie.

L’irréparable était fait et le héros devint la risée de tout un peuple.
Il le paye encore aujourd’hui (4)

Notes pour comprendre ni mieux ni plus mal…

(1) Le préfet Eugène-René Poubelle épousa Gabrielle Lades-Gout. Outre la poubelle, fleur bienveillante de nos trottoirs, à laquelle il a donné son nom il fut l’instigateur du tout-à-l’égout qui devint une priorité après l’épidémie de choléra de 1892 qui terrifia les populations et fit près de 300 000 morts dans le monde.

(2) Louis Béchameil, marquis de Nointel, est né à Rouen en 1703. Il n’a rien à voir avec l’abbé Chamel avec qui des mesquins le confondent. Par contre il fut bien sa vie durant le propre fils d’un libraire de Rouen et de Marie Pineau qui n’était pas des Charentes. Louis Béchameil épousa Marie Colbert, cousine de Colbert un ministre important puisqu’on qualifia plus tard sa politique de colbertisme. Nous sommes loin des raffarinades…
Chacun connait les risques inhérents à la béchamel. Il faut ajouter la farine en même temps que l’on touille sans laisser colorer tandis qu’on ajoute le lait avec la main restée libre. Les meilleurs ont connu certains jours un échec cuisant. Caramélisant parfois avec une coquelle impossible à ravoir.

(3) L’antonomase est une figure de rhétorique remplaçant un nom par la qualité de la chose qu’il désigne ou inversement. L’avantage des définitions c’est que ce que tout le monde avait compris devient soudain bien obscur… À ce jour et depuis 1762, quand John de Montagu -comte de Sandwich- l’inventa, la meilleure antonomase reste le sandwich pour peu qu’on n’ait pas oublié le cornichon.

(4) Comme Kalachnikov, La Palice est entré à bout portant dans nos querelles. On n’a pas même pris la peine d’escalader son orthographe et c’est le terme de lapalissade qui revient le plus souvent pour désigner un truisme ridicule. La chanson des compagnons d’armes du disparu de Pavie est devenue une ritournelle de 51 couplets stupides sous la plume de Bernard de La Monnoye (1641-1728).
Je vous cite un paragraphe pour vous monter que j’ai des livres dans ma bibliothèque et aussi pour que nous partagions la honte d’être les compatriotes de ce bourguignon :

Il mourut le vendredi,
Le dernier jour de son âge ;
S’il fût mort le samedi,
Il eût vécu davantage.

Une chanson grinçante qui ne casse pas trois pattes à un canard…
Croyez-vous qu’on le guillotina ? Pas le moins du monde ! Il entra à l’Académie Française en 1671 dans le fauteuil 30 qui sera plus tard celui de Georges Duhamel et de Maurice Druon. Vous ne rêvez pas…