Troubles ordinaires

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De tragiques fait-divers ont ces derniers temps occupé une part non négligeable de l’actualité. Ne souhaitant pas verser d’huile sur le feu, je me suis refusé à les commenter dans cette chronique qui pourtant me permet fréquemment d’évacuer tant bien que mal, car avec plus ou moins d’efficacité, les nombreux (res)sentiments de colère, de révolte, sinon de fureur, face à l’injustice, l’abus, ou la manipulation qui m’animent (mais nourrissent ma combativité) quotidiennement.
Cependant, au-delà de ces condamnables passages à l’acte et de la sempiternelle question « pourquoi et comment peut-on en arriver jusque là ? », ce qui interroge davantage, c’est ce vent de folie généralisée qui semble se lever sur l’Hexagone en ce milieu d’automne 2022.
Ces velléités de débordement, d’explosion, qui attisent l’incendie de la dissidence, voire de l’insurrection. Cela, dans un contexte social et sociétal fracturé, où parvenir à “vivre normalement”, c’est-à-dire trouver sa place, devient de plus en plus compliqué, même en se levant très tôt tous les matins.
Cette semaine dans les colonnes d’un grand quotidien national, j’ai repéré une missive, initiée par une centaine de médecins en direction du Ministère de la Santé, afin de l’alerter quant au nombre grandissant d’individus atteints de troubles mentaux, parfois majeurs, mais n’étant pas pris en charge puisque les services psychiatriques sont débordés.
Des situations pathétiques, conséquentes à un cruel défaut de moyens dans les structures destinées à résoudre en amont les diverses problématiques existentielles, et d’un système de soins en plein naufrage, dénoncé aujourd’hui haut et fort par la majorité des professionnels du secteur.
Sont notamment pointées du doigt par les spécialistes « la réduction du nombre de lits, alors que la population augmente et que le recours à la psychiatrie est plus fréquent », ou encore « l’absence de structures alternatives ».
Ne croyons pas que cela ne nous concerne pas ou ne nous concernera jamais…
Selon une étude très complète publiée en 2018, « Un Français sur cinq souffre de troubles mentaux, de dépression, de troubles bipolaires, d’autisme, de schizophrénie ».
Depuis les confinements, couvre-feux et autres épreuves anxio-liberticides qu’il nous a fallu endurer en 2020, ce chiffre serait désormais passé à plus d’un Français sur quatre !
Selon le livre « Psychiatrie : l’état d’urgence », de Marion Leboyer et Pierre-Michel Llorca, paru aux éditions Fayard, on dénombre dans le détail 4,7 à 6,7 millions de personnes touchées par la dépression en France (7 à 10% de la population). 800 000 à 3,7 millions par les troubles bipolaires, 670 000 personnes par la schizophrénie, au moins autant pour les troubles de l’autisme.
Pas moins de 300 000 patients supplémentaires font l’objet d’un suivi psychiatrique régulier chaque année, depuis 10 ans…
Le taux de suicide en France est l’un des plus élevés des pays européens de développement comparable. Avec plus de 23 milliards d’euros par an, les dépenses remboursées au titre de la détresse psychique et des maladies psychiatriques sont le premier poste de dépenses de l’Assurance Maladie, devant les cancers et les maladies cardiovasculaires.
Là encore, il y a plus qu’urgence à agir, pour ne pas que la déraison submerge une époque qui a tant de mal à solutionner ses turpitudes avec honnêteté, efficience et réel volontarisme…