Les chasseurs prêts pour la nouvelle saison

Depuis l'ouverture du 11 septembre, tour d'horizon cynégétique incluant le retour du loup, l'invasion de cerfs et de sangliers, mais aussi d'autres actions des chasseurs moins connues.

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"Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, je partirai" : quand le chasseur se fait poète...

Des attaques présumées de loup sur des secteurs inhabituels cet été 2022 (petite Montagne) ont de nouveau interpellé les chasseurs sur leurs capacités de prédation de la faune sauvage. Pour Christian Lagalice, président de la fédération de chasse du département, « le Jura accueille le loup depuis plusieurs années, avec une meute dans la forêt du Risoux, et une meute près de la frontière suisse. Les grands prédateurs ont leur place dans l’environnement, la question est de savoir comment faire cohabiter les activités traditionnelles avec eux ». Selon lui, les mesures de prévention (clôtures, chiens de protection) ne suffisent pas, car le loup est capable de déployer des contre -mesures redoutables. Suivent les tirs d’effarouchements, les tirs de défense (tirs létaux), et les tirs de défense renforcés. « On compte déjà des cas d’attaque de loups sur des cerfs dans le Haut-Jura » constate-t-il, sans répercussion pour l’instant sur la démographie des cervidés. Quant au lynx, emblème du Jura, notre département en compterait quelques dizaines, mais 200 à 250 pour le massif entier. Plusieurs plans nationaux ou régionaux visent à comptabiliser leurs effectifs, et la pose de colliers GPS fait partie de ces programmes. Peut-être tous ces grands prédateurs réguleront-ils un peu de population de cerfs, en constante augmentation que ce soit dans la forêt de Chaux (leur berceau originel), la montagne de la Serre, la petite Montagne, le haut Jura, etc.  « Pour la première fois, pas moins de 1.000 bracelets de prélèvement seront attribués cette année » précise Christian Lagalice, pour essayer de juguler cette expansion démographique, qui cause de gros dégâts sur la pousse de jeunes arbres. 

Indemnisations des agriculteurs : “On ne pourra plus payer”

Seul animal capable de rivaliser avec l’expansion du cerf, le sanglier continue aussi à prouver sa vitalité : « c’est l’animal qui bénéficie le plus du réchauffement climatique » constate le président Lagalice. « Comme il n’aime pas la neige, cela régulait auparavant les populations de marcassins, d’ailleurs il n’y a qu’à voir ses effectifs autour du bassin méditerranéen et en Afrique pour comprendre… ». Son expansion est aussi directement liée à la bonne ou moins bonne récolte de faines. « Lorsqu’il y a des orages de grêle sur des chênes en fleurs ou en bourgeons par exemple, cela peut transformer la forêt en désert alimentaire, à l’instar des arbres fruitiers frappés par des catastrophes naturelles » explique t’il. C’est pour éviter que ces cohortes se ruent sur les cultures que les chasseurs agrainent les sangliers en forêt avec des céréales ou du maïs. « Dire que l’agrainage facilite la prolifération des sangliers constitue une énorme bêtise » lâche Christian Lagalice, fatigué des procès d’intention intentés aux chasseurs sur ce point. « Une étude de l’INRA a prouvé que cette pratique destinée à maintenir les sangliers en forêt n’avait aucune incidence sur le développement démographique de l’espèce » assure t’il. En parallèle, la fédération de chasse indemnise les agriculteurs pour les dégâts commis par le grand gibier sur les cultures, mais le prix des denrées agricoles s’est envolé. « Sur un an, ces indemnisations ont représenté 400.000 € » précise Christian Lagalice qui prévient : « On ne pourra bientôt plus payer ! La fédération n’en a plus les moyens, d’autant plus qu’elle pose en parallèle des kilomètres et des kilomètres de clôture électrique. A contrario, les perdrix perdent du terrain : « Les jeunes perdreaux se nourrissent exclusivement d’insectes, un cri d’alarme a été lancé au niveau européen sur la disparition de ces derniers, ce qui impacte défavorablement les populations de perdrix ».

Stéphane Hovaere 

Le loup, animal protégé dans son environnement.

La préfecture ne crie pas au loup

Suite aux attaques survenues cet été en petite Montagne (Aromas, Gigny sur Suran…), la préfecture du Jura a rappelé que par communiqué que : « Le passage du loup dans le Jura est avéré depuis plusieurs années, deux zones de présence permanente ayant même été identifiées à la frontière Franco-Suisse…/… Les attaques touchant des ovins ou des caprins, pour lesquelles l’imputabilité au loup n’a pu être écartée, ont été plus fréquentes (jusqu’à 7 par an), même si aucune n’a été identifiée au cours de l’année 2021. Des dispositifs de protection sont proposés aux éleveurs installés dans les zones concernées par les prédations. Les éleveurs peuvent également recourir à des moyens d’effarouchement en cas de tentative de prédation. Pour les élevages ayant subi la prédation malgré la mise en œuvre de mesures de protection, ou dont la non-protégabilité a été reconnue, des tirs létaux de défense peuvent être autorisés. Ainsi, alors que la population lupine, protégée, est en augmentation en France (elle est estimée à 921 individus en sortie d’hiver 2021/2022), le nombre d’attaques et d’animaux prédatés pour lesquels la responsabilité du loup n’a pu être écartée était en diminution l’an passé ».

Les sangliers se portent bien : ici une bête de 164,2 kg prélevée à Conliège à l’ouverture 2018.

Le cerf Vincent, « légende urbaine » ?

Qu’est-il advenu du cerf Vincent, qui hanterait depuis des années la forêt de Chaux ? D’après Christian Lagalice, ce superbe cerf relève plus de la légende que de la réalité : « un cerf qui porte les mêmes bois pendant 20 ans, ça n’existe pas » assure t’il. « En vieillissant, les cerfs comme les humains perdent beaucoup de leur superbe » assure t’il, une façon de dire que Vincent a sans doute été remplacé par un de ses congénères, et que sa légende relève davantage du fantasme que de la réalité biologique…

La chasse draine toujours 8.000 passionnés dans le Jura.

Le permis national plébiscité

Depuis que le gouvernement a divisé le prix du permis national par deux (passé par conséquent de 100.000 à 400.000 unités en quelques années), la vente de permis départementaux s’est effondrée. Conséquence logique : les chasseurs sont devenus davantage mobiles, et le Jura est devenu une terre d’accueil pour des spécialistes traquant par exemple le chamois. Malgré de rares incidents de chasse (parfois mortels), la fédération de chasse insiste sur la réglementation stricte entourant cette pratique séculaire : « Les chasseurs ont l’obligation de suivre une remise à niveau obligatoire tous les 10 ans, par ailleurs un fichier national permet désormais de déchoir automatiquement de son permis une personne condamnée par exemple pour des faits de violence » précise le président Lagalice.

Les règles de sécurité conduisent à « casser » le fusil.

Les chasseurs acteurs de la prévention routière

« Si on arrête de chasser, nous verrons le nombre des collisions s’envoler » prédit le patron de la fédération. Outre leur rôle de régulation, les chasseurs investissent beaucoup dans la protection des routes. « Nous posons des dispositifs d’ effarouchements là où les animaux traversent, ce sont des itinéraires bien précis que notre connaissance du milieu permet de cerner. Comme les passages à animaux sur les autoroutes, qui ne sont pas installés n’importe où, mais à des endroits stratégiques… ». Chaque année, de nouveaux secteurs sont équipés, en partenariat avec le Conseil départemental du Jura.