Éditorial

Gaulois réfractaire

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C’était un soir de semaine ordinaire. Banal, morne et linéaire. Je zappais sur les différentes chaînes d’actualité, en quête d’un sujet sociologique intéressant, d’un débat qui incite à s’interroger, à ouvrir la voie vers l’amélioration de la compréhension de notre époque si insaisissable. Bref, le tableau de ce soir d’automne souffrait terriblement d’absence de relief et d’exaltation.
Lorsque soudain, une tirade surprenante me tira de cette torpeur sensorielle :
« Je crois qu’en tant que françaises et français, on a une petite idée. Nous ne sommes pas le meilleur pays pour nous adapter aux évolutions du monde. Quand on nous dit « Il faut faire cette réforme parce que les voisins l’ont fait », ça marche assez rarement en France. Nous n’avons pas cette mentalité. Je l’ai plusieurs fois dit. Assumant moi-même de l’être. Je suis le premier des gaulois réfractaires. Nous n’aimons pas quand on nous dit  : « Vous ne faites pas bien les choses, etc… » . Ça ne marche jamais chez nous. (…). Mais nous n’aimons pas perdre le contrôle de nos vies individuelles et du destin de notre nation. C’est ça ce qui nous caractérise (…). Nous on a toujours choisi. On a choisi la liberté, les Lumières, les droits de l’Homme, l’exigence, même quand c’était des combats très difficiles, nous avons résisté. Nous avons résisté aux folies du monde, même quand ça paraissait la vague dominante. Je crois que c’est ça qui est en cause et qui est en jeu pour 2030″.
Non vous ne rêvez pas, ce laïus
totalement surréaliste, a été prononcé par Emmanuel Macron mardi dernier à l’occasion de la présentation du plan « France 2030 ». Où sur scène, est apparu un chef de l’État se qualifiant lui-même « le premier des gaulois réfractaires », trois ans après avoir ironisé sur ce terme et affublé de ce même qualificatif mais avec une tonalité nettement plus méprisante, une certaine partie du peuple contestant sa politique. Comme l’avait en son temps détaillé Benjamin Griveaux : « Tous ces gars qui fument des clopes et qui roulent au diesel ».
La quatrième dimension est en train de s’ouvrir.
Voilà qu’après sa condamnation publique début juillet face aux Français insoumis à la vaccination tels d’horribles gueux incultes qu’ils étaient, ou encore sa récente vidéo réalisée avec Mac Fly et Carlito à l’occasion de la rentrée des classes, notre président tente un ultime virage, avec pour seul but d’illusionner son auditoire en faisant mine d’appartenir à la majorité silencieuse, réactionnaire et conservatrice. La ficelle est un peu grosse.
Car si notre président était réellement si réfractaire aux réformes (qu’il a lui-même ordonné de déclencher à marche forcée), comment expliquer par exemple, que plus de 5700 lits d’hospitalisation complète ont été fermés en 2020 dans les établissements de santé français ?
Comment refuser l’emploi du terme « déclin de la France » avec encore 25 établissements hospitaliers fermés l’an dernier, ce qui fait que désormais « sous l’effet des réorganisations et des structurations » (comprenez par là, l’injonction de rentabilité du service public de santé qui théoriquement, n’a pas vocation à l’être), notre pays compte moins de 3000 hôpitaux et cliniques ?
On pourrait aussi évoquer la réforme de l’assurance chômage qui vient de passer, ou encore celle des retraites qui va arriver. Est-ce vraiment bien réfractaire tout cela ?
Aurait-il fallu attendre la fin de ce quinquennat balbutiant entre angoisse des gilets jaunes et terreur du Covid-19 pour que les élites se réveillent et comprennent ce qu’il y avait à comprendre ? Non. Le sketch est mal écrit. Le scénario n’est pas crédible. Quelque chose sonne faux. Il y a une comme une faille dans cette litanie.
Pour être complètement honnête et transparent sur ses intentions, l’auteur de cette fable aurait du rappeler que les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent…