Rubrique. Grands mots, grands remèdes : Coupe-jarrets

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Je lisais tantôt un message hostile à un parti adverse.
Ce message vitupérait contre « les coupe-jarrets et les flibustiers » du camp d’en
face.
Ces coupe-jarrets et flibustiers d’un autre temps m’ont ravi.(1)
Le coupe-jarret est une technique de combat tombée en désuétude depuis qu’on a
inventé bien plus pratique : le rossementon, le bourre-pif, la paire de baffes, sans
oublier -plus près de nous- les potions radioactives et les rockets dans les
immeubles.
Ce sont des militaires très inspirés de la fin du XVIIème qui ont inventé la technique du coupe-jarret. Non point après s’être soûlés dans une gargote malfamée et au
décours d’un gueuleton de champignons hallucinogènes, comme le laisse entendre
une presse mal intentionnée, mais bel et bien lors d’un colloque rassemblant dans un
vaste urbi et orbi, gourbi et fourbi, la soldatesque la plus testosteronée et
bodybuildée de nos provinces. (2)
Je parle des provinces de l’époque naturellement, avant les changements
géopolitiques que chacun a appris en classe de première. J’en profite pour souligner
que ce rattachement de la Savoie et du Comté de Nice nous permet aujourd’hui de
faire du ski et de nous faire bronzer sur la Côte d’Azur en toute simplicité (3). C’est
donc, avec le recul, plutôt positif. Bien qu’à l’époque -je le reconnais- j’étais plutôt
contre.
Pour en revenir au coupe-jarret, la technique est simple et ne nécessite aucunement
de chercher un tuto sur YouTube. Vous vous munissez d’un sabre affuté (à défaut
une serpette peut suffire) et avec le geste auguste du semeur (4) vous tranchez plein
pot le jarret de l’ennemi. Il faut viser environ huit centimètres au-dessus de la cheville
faute de quoi le coup est manqué ce qui peut causer une grande déception.
Mais, c’est vrai, je documente alors même que nous n’avons pas tous des ennemis à
disposition pour tester la technique…

Quelques notes pour éclairer ce texte :

(1)- Je n’aurai pas la place nécessaire ici pour vous parler des flibustiers. C’est
pourtant un sujet de rubrique qui ne démérite aucunement. Pour faire un bon
flibustier il vous faudra un pirate des côtes des Caraïbes. Prenez-le en tenue de
combat, sabre au clair, entre les XVIème et XVIIIème siècle. Au-delà vous perdez
toute garantie sur l’authenticité de la flibuste et c’est naturellement fâcheux dans une
rubrique qui rame un peu pour trouver son public. Notez qu’un bon flibustier à un œil
en écharpe, derrière un lourd bandeau de cuir, du fait de ses anciennes campagnes

(1 bis). C’est un moindre mal dont il ne saurait se plaindre : ses ennemis sont morts
et enterrés.

(1-bis)- Si vous avez lu un peu vite : « ses anciennes compagnes » peut-être avez-
vous un problème avec les violences conjugales. Vous devriez consulter. Mais il est
difficile d’avoir un rendez-vous rapide.

(2)- Les hormones mâles ont été un sujet de fascination avant même la découverte
de la testostérone par le biochimiste allemand Adolf Butenandt en 1934. Et la
fascination s’étendait bien au-delà des pelotons du Tour de France.
Ainsi, au début du siècle dernier, à la recherche éperdue d’un surcroit de virilité, on
initia des traitements avec des extraits testiculaires. Comme ils se sont avérés
inactifs on eut l’idée de la ligature des canaux déférents, des tuyaux qui sont
branchés en prise directe sur les testicules, dans l’espoir de conserver par devers soi
un excès de testostérone privée de son canal de sortie. Figurez-vous que ça ne
marchait pas mieux. Mais cela rendait stérile. On n’avait pas tout perdu et la
vasectomie venait d’être inventée. Caressant le même espoir, Serge Voronoff, puis John R. Brinkley se mirent à greffer des testicules à qui mieux mieux et à la queue
leu-leu. Peau de balle… ni balai de crin. Pas mieux.

(3)- Un rattachement dont on ne voit souvent que le côté positif. Mais la médaille a
son revers : combien de fractures sur les pentes enneigées de Savoie, combien de
mélanomes sous le soleil ardent de la Côte d’Azur ? Notez bien que je dis ça
seulement pour plomber l’ambiance comme il est désormais d’usage dans les
médias.

(4)- Depuis Victor Hugo le geste du semeur est toujours auguste. Auguste est
d’origine arabe et latine et signifie « grand et vénérable ». On fête les Auguste le 29
février (Saint Auguste Chapdelaine, missionnaire mort décapité en Chine en 1856).
Mais le 29 février se faisant rare sous nos latitudes il existe une autre fête de Saint
Auguste le 7 octobre en mémoire d’un prêtre de Bourges mort en 560. Ça tombe
bien : octobre est le mois des semailles. Et le 7 octobre est aussi le jour où parait
cette rubrique dans Hebdo qui pour être un gratuit n’en est pas moins pertinent.