Rubrique. Grands Mots, Grands Remèdes : Augure

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Doc Bouvier
Docteur Gérard Bouvier

L’actualité souvent nous dérange et il y a comme ça des jours où l’on aimerait bien connaitre l’avenir…
Ça n’est pas d’aujourd’hui que demain nous passionne plus qu’hier. Nos ancêtres déjà vouaient un véritable culte aux prédictions et prophéties. (1)
Chez les latins, l’augur était un prêtre missionné pour faire de la divination. Faute de marc de café et de boule de cristal, il lisait l’avenir et la volonté des dieux dans le vol des oiseaux (2). Si l’oiseau venait de la gauche (sinister en latin) c’était un sinistre présage. Or, il y eu beaucoup d’oiseaux de mauvais augure qui venaient de la gauche si bien que l’Empire s’effondra en 410 ou en 476, c’est selon votre historien préféré.
Être un augure n’était pas une sinécure d’autant qu’il n’y avait pas de droit de retrait si les oiseaux s’embrouillaient les pédales ou s’ils étaient soudain -en plein ciel- complètement à côté de leurs pompes. À se demander s’ils n’y faisaient pas exprès.
Affirmer qu’un oiseau vient de la gauche dans un ciel ouvert aux quatre vents, sans feux rouges ni croisement giratoire et évidemment loin de toute signalétique, nécessite de regarder droit devant soi sans jamais se retourner ni tomber dans le panneau (3). Faute de quoi ce serait pour les présages, même les plus raffinés, la chute et la rechute fatale assurées. Et quand la volonté des dieux se casse la margoulette (4) jusqu’à en devenir illisible, l’augure a tout intérêt à courir vite. On est sur du Bac+6 renforcé forme olympique…
Et que dire de l’aruspice, cette autre version de l’augure, mode Triperie Devaux (5). L’aruspice lisait l’avenir dans les entrailles des bêtes sacrifiées, ou -cerise sur le gâteau- dans les entrailles fumantes des ennemis morts au combat. C’était un sacerdoce éprouvant qui nécessitait une vocation chevillée aux corps des ennemis et seuls les plus endurants atteignaient l’âge de la retraite à taux plein.

Notes pour y voir plus clair :

(1)- Des pharaons d’Égypte aux rois de Mésopotamie ils furent nombreux à croire aux présages. Romulus a choisi l’emplacement de Rome sur les conseils d’un augure. Le premier empereur de Rome, Auguste, prétendait que les augures avaient annoncé son règne.
Catherine de Médicis consultait avidement Nostradamus et Bonaparte avait ses astrologues. Jacques Chirac lui-même avait son Taleb Ammar, un voyant et médium tunisien. Il lui aurait prédit deux élections comme président de la République. Sa deuxième élection serait un triomphe avec 80 % des voies. Ce à quoi Jacques Chirac aurait répondu : 80% des votants ??? Impossible en démocratie !!!

(2)- On parle souvent du vol des oiseaux mais il n’y a guère que la pie qui traine une vieille réputation de voleuse. Les études scientifiques récentes montrent que la pie est surtout très intelligente. Elle fait partie des très rares animaux qui savent se reconnaitre dans un miroir. Sommes-nous sûrs de pouvoir toujours en dire autant ?

(3)- L’expression « tomber dans le panneau » devrait bien être en lien avec nos égarements provoqués par les panneaux électoraux ou les panneaux publicitaires. Mais en réalité, au XIIème siècle, le panneau nous venait de pannus, un bout d’étoffe qui en Comté engendra la panosse, la serpillière de chez nous. De ce bout d’étoffe on fit plus tard un filet (en 1285) qui servait à capturer en vol des oiseaux dont nos ancêtres étaient gourmands. Ceux qui tombaient dans le panneaux terminaient en délectables fricassées. Les plus à plaindre sont les ortolans dont la chasse est interdite. Ce qui ne les met pas complètement à l’abri de coupables gibelottes.

(4)- Si vous avez une margoulette en bon état de marche profitez-en mais ne vous réjouissez pas trop vite. La margoulette est comme le col du fémur. On en parle surtout en cas de fracture. Un margoulette qui ne serait pas cassée n’intéresserait personne. La goule est la forme en ancien français de « gueule » et le « mar » nous vient d’un vieux verbe qui signifiait mâchouiller. La margoulette représente donc la gueule, la mâchoire, le visage.

(5)- Les aruspices lisaient l’avenir dans les entrailles. Aujourd’hui le marché s’est orienté plutôt vers l’andouille qui fait les beaux jours de Vire et de Guéméné et, plus près de nous, du val d’Ajol dans les Vosges. Malheureusement la joie de vivre de l’andouille a été entachée, depuis 1866, quand elle est devenue une insulte sans préavis ni réelle justification. Mais quand la méchanceté populacière déferle plus rien ne l’arrête.
On a donc : « arrête don voir un peu de faire l’andouille ! » qui n’a aucun bon sens puisqu’à ma connaissance on n’a jamais observé une andouille le faire.
De même « un grand dépendeur d’andouille » est devenu un être niais -pour ne pas dire stupide- alors que dans beaucoup de charcuteries rurales on est bien content d’avoir des commis un peu grands pour dépendre les susdites.