Pomme… pomme… pidou ! (1)

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Gérard Bouvier.

Un train peut en cacher un autre…
Mais une bonne nouvelle en cache toujours une très mauvaise pour peu qu’on s’en
donne la peine. C’est tant mieux car sinon comment pourrions-nous encore nous
plaindre et garder ce visage ombrageux qui nous va si bien.
Ainsi, le journal de 20 heures m’apprenait que cette année les saisons avaient fait la
partie belle aux pommiers, grebis de pommes rebondies et avenantes (2). Juteuses à
souhait et prometteuses de belles ventes. Je m’en réjouissais aussitôt car vous
savez -fidèles lecteurs – comme je suis vite un peu niaiseux (3).
Dès la phrase suivante, la journaliste expliquait d’un ton déconfit que c’était une très mauvaise nouvelle pour les compotes dont le commerce est tout aussi juteux que celui des
pommes, leurs génitrices broyées et cuites à feu doux.
Damned ! Si les pommes sont trop belles on va manquer cruellement de pommes
biscornues, tachées, piquées. Et invendables. Ces pommes sont réservées aux
compotes pour bébés et aujourd’hui l’avenir des compotes parait désespéré. Seule
une augmentation considérable de leur prix pourrait les sauver. Et encore…
Il est désolant que la météo clémente ait bousillée les compotes pour bébés (4). La
bonne nouvelle tourne au massacre d’innocents et devient cauchemar.
Méfiez-vous des bonnes nouvelles ! Elles annoncent le pire.
Les exemples sont nombreux. Ainsi le prix de l’essence à la pompe ne cesse de
dégringoler. Certains pas très futés -comme vous et moi- se réjouissent : ça n’est pas
trop tôt et c’est autant d’économisé.
Calcul frivole ! Si l’essence baisse, beaucoup oublieront l’essentiel. Ils cesseront de
covoiturer et se détourneront du train. Bonjour les particules fines et le dérèglement
climatique ! La mort nous guette…
Je vous souhaite le pire ! C’est le mieux qui puisse vous arriver.

Notes pour un supplément gratuit de fantaisie :

(1)- Pom… pom… pidou est un gimmick du refrain de la chanson I Wanna Be Love
You qui date de 1928 et fut rendu célèbre par Marylin Monroe dans Certains l’aiment
chaud en 1959. Autrement dit c’est une cascade de notes de musique qui séduisent
l’oreille et qui s’y établissent durablement. Le procédé est très jazzy. Pompidou
s’appelait Pompidou. C’était du côté paternel. Mais il eut mieux valu pour lui
s’appeler Poulidor pour éviter que des flopées d’artistes et d’imitateurs de Marylin
mettent son nom en musique et le tourne en dérision.

(2)- Grebi pour les moins comtois d’entre nous signifie plein, rempli, couvert. C’est
une forme régionale de grevé du latin gravis, lourd. Mais qui a pu donner aussi
grave. Comme dans l’expression : « si tout ça ne vous intéresse pas, ça n’est pas
très grave ». Mais ça me fait un peu de peine quand même.

(3)- Niaiseux est un peu oublié par les Français à qui on ne la fait pas et qui ne s’y
reconnaissent guère. Mais dans les endroits reculés comme en Comté et plus encore
au Canada, l’adjectif est bien compris. Chez nous le niaiseux est aussi un niainiot (ou
une niainotte car la niaiserie n’est pas portée par le seul chromosome Y quoiqu’en
pense les baluches). On trouve aussi en comté des niasets. Tous ces faibles d’esprit
sont tombés du nid un peu trop tôt si bien qu’ils sont mal finis et n’ont pas la lumière
à tous les étages. Car niais vient du latin nidus : le nid. Vers 1250, le nïés désignait le
faucon à peine sorti du nid. Son immaturité le rendait inapte dans l’art de capturer un
gibier dans son milieu naturel. Au point qu’on en vint à douter que ce faucon n’en soit
un vrai. D’où le niais.
Au Canada l’on pratique assidument un sport qui consiste à tenir debout sur de la
glace encore froide en tentant (tant bien que mal) d’envoyer un poque (rondelle dont
j’ignore la texture mais ça n’est pas du saucisson) dans une cage juste en face
gardée soigneusement par un bonhomme Michelin qui porte un masque en métal
ajouré. OK ! Je n’ai pas tout compris… Chez eux l’expression très commune niaiser avec le poque signifie tergiverser, perdre un temps précieux quand il serait préférable
d’aller droit au but.

(4)- Comme il donne l’eau à la bouche ce mot de compote en réveillant nos
souvenirs d’enfant. Pourtant ce mot a une histoire qui pourrait ouvrir la porte à bien
des polémiques si le consommateur était en âge de polémiquer.
Vers 1100, le mot compote nous vient du latin composita qui désigne un mets
composé de plusieurs éléments assemblés avec un soin particulier pour exhaler des
saveurs délicieuses. On raconte dans les vieux grimoires qu’une bonne compote
était un mélange doucereux de viandes ou de poissons confits dans du vinaigre avec
des fruits confits au vin, au sucre, au miel. Aujourd’hui je vous fiche mon billet
qu’avec leurs pommes déclassées on est loin du compte !
Ne nous plaignons pas ! Une autre dérive a conduit la composita au compost qui au
XIIIème siècle était un mélange de fumier et de détritus. C’est moins goûteux que la
compote.