Rubrique. Grands mots, grands remèdes : Ambianceur

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Nos prénoms vieillissent puis disparaissent avant peut-être de revenir un jour.

Il faut fouiner dans nos EHPAD pour retrouver des Évariste, des Étiennette, des Edmée ou
des Gertrude (1)…

Nombreux aussi sont nos métiers qui ont disparu. Finis les bouchonniers, les
cordiers. Les vitriers ne déambulent plus dans nos villes (2). Et dans nos villages on
n’entend plus le colporteur claironner sa venue dans sa corne de bœuf. Les magnins et les rétameurs sont tombés dans l’oubli. Les porteurs d’eau n’existent plus que dans les pelotons cyclistes.

La bouquetière s’est convertie fleuriste, la modiste est devenue chapelière ou parfois
n’est plus devenue du tout…(3) S’il n’y a plus de ravaudeuses c’est que les frusques ont disparus. Et tout le saint frusquin avec.(4) Le garde-champêtre s’est reconverti. Comme bientôt fera le facteur. Les tanneurs-corroyeurs n’habitent plus que les vieilles encyclopédies.

Tisserand, sellier, charron, sabotier, fumiste, cloutier, vannier, taillandier, rémouleurs
et même les fondeurs de cloches disparaissent. Sauf les fumistes de plus en plus
nombreux (5). Les quincaillers sont devenus les conseillers-clientèle des grandes
surfaces de bricolage.

Tous avaient des saints patrons protecteurs recrutés parmi les martyres de l’Église
mais leur protection était précaire. Car même le job de saint patron -job qu’aucun
saint ne protégeait- a fini par se languir (6).

Saltimbanque, escamoteur, jongleur, chanteur de rue se font rares. La rue des
Tanneurs, la rue Mercière, la rue de la Mégisserie, la rue des Changeurs ou des
Drapiers s’effacent peu à peu devant des célébrités méritantes. Consolons-nous : nous avons désormais les ambianceurs, les coaches de vie, les professeurs de zumba, les naturopathes et les influenceuses (7).
Et bien sûr, les DRH.

Notes complémentaires sans supplément de prix :

(1)- En réalité, même dans les EHPAD, ces prénoms sont devenus rares. Gertrude
qui fut la mère d’Hamlet a connu son pic de popularité en 1912. Mais à force de se
demander to be or not to be c’est le not to be qui l’emporta. Il n’y avait plus que 3
Gertrude nées en 2019. Dans la pièce de Shakespeare, Gertrude, reine du Danemark, meurt empoisonnée par le vin destiné à Hamlet. C’est depuis que la bière est la boisson nationale au Danemark. Enfin peut-être…

(2)- Ton père n’est pas vitrier ! Ma grand-mère s’en donnait à cœur joie avec cette blagounette à deux balles pour me signifier que -n’étant pas transparent- je lui
bouchais la vue. Elle ajoutait : pousse-toi de quarante ! C’était effectivement, en
centimètres, le recul idéal pour qu’elle recouvre la clarté.

Les temps changent et aujourd’hui la vitre s’est brisée. Elle s’est répandue en
briques de verre en Comté, en éclats ou en morceaux de verre partout ailleurs.
Cette expression « ton père n’est pas vitrier ! » est classée désormais comme super
naze. Parmi d’autres. On peut citer : « comment ça va ? comme un lundi ! » ; ou « ça
ne tombera pas plus bas » quand on fait tomber ce qu’on tient, ou encore « et mon
cul c’est du poulet ? » que je mettrais volontiers en tête. Dans cette expression la
gouaille fait reculer le hâbleur tant il est évident que la réponse est : Non ! Celui qui
irait contre perdrait durablement la face à coup sûr.

(3)- Ne plus devenir du tout c’est dédevenir en comtois. Et ça sent l’épicéa.
On l’aime bien l’Antide… Sûr qu’il dédevient un peu à cause de son âge mais on le
respecte parce que c’était un fameux dans son temps. (Francis Girod, Les Vents
d’Ouest. 1978).

(4)- Saint Frusquin n’a jamais été canonisé. Il aurait fallu en boire des canons pour
en arriver là ! En réalité l’expression date de 1710. La Saint Glin-Glin est fêtée le 20 mars. La sagesse populaire prétend : Grand pied à la Saint Frusquin, petit doigt à la
Saint Glin-Glin.

(5)- Le noble métier de fumiste consiste à gérer les conduits de fumée.
Malheureusement, dans une comédie-vaudeville en deux actes de 1840 de MM.
Varner, Duvert et Lauzanne, La Famille du Fumiste, le personnage du fumiste se livre
à d’espiègles galéjades. Il n’en fallait pas plus pour déconsidérer à jamais une
profession bien utile. Les gens sont méchants. Si vous êtes un fumiste, dites plutôt cheministe.

(6)- La plupart des métiers ont leur saint patron. Pour les vitriers c’est saint Marc qui
a aussi la lourde charge des notaires et de la ville de Venise. Si vous êtes sabotier
misez plutôt sur saint René d’Angers. Et si vous êtes femme en couches c’est sainte
Marguerite d’Antioche qui vous viendra en aide. Si vous êtes ambianceur Saint
Sébastien peut vous aider. C’est le Saint patron des arbalétriers mais ils sont
désormais si peu nombreux… Et n’oublions pas Saint Valentin qui sait aller bien au-
delà du métier.

(7)- Nous sommes arrivés à un moment de notre histoire où nous ne croyons plus
rien à tout ce qu’on nous dit. Il n’y a plus de « preuve à l’appui » qui tienne. Mais
croire est un besoin. Heureusement restent les influenceuses et influenceurs.

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