Christian Bulle, comment la forêt franc-comtoise se porte t-elle ?
Il n’y a jamais eu autant de forêt dans notre région : dans les années 1800, elle produisait en moyenne 30 à 40 m3/ha, alors qu’aujourd’hui on atteint environ 200 m3/ha. Comme on récolte beaucoup moins que l’accroissement naturel des bois, il ne semble pas y avoir de problème pour l’avenir de la ressource.
Mais le réchauffement climatique ne joue t-il pas les trouble-fêtes ?
Ce n’est pas la joie pour les propriétaires privés. Même s’ils ne détiennent pas moins de la moitié des forêts de notre région (le reste étant public), beaucoup d’essences souffrent du changement climatique, à commencer par l’épicéa, le hêtre, le sapin, le chêne. Le frêne pâtit également de la chalarose, arrivée de Pologne en 2008.
On sait les ravages causés par le scolyte, ce minuscule insecte ravageur, aux épicéas. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Il faut qu’il pleuve de toute urgence. L’année 2021, exceptionnellement pluvieuse, a d’ailleurs permis de réduire clairement leurs populations. Grâce aux efforts de la filière et aux aides du gouvernement, le stock de bois malade a beaucoup diminué. On était débordé en 2020 et 2021, et les cours étaient tombés à environ 20€/m3 en bord de route, aujourd’hui on gravite plutôt autour des 30-40 €/m3, les scieurs sont même demandeurs de ces bois secs.
Les paysages francs-comtois vont inexorablement beaucoup changer. Exit l’épicéa emblématique de nos forêts, mais que faut-il replanter à la place ?
L’épicéa risque en effet de disparaitre en dessous de 1000 à 1200 mètres d’altitude, mais des tests sont en cours avec certains pins, du sapin Douglas, du cèdre du Liban, des chênes pubescents, etc… Des espèces plus méridionales, mais la clé de la réussite tient dans la biodiversité : mieux mixer de nombreuses essences pied par pied (et non par blocs).
On parle moins des dégâts causés par le gibier : ne constitue-t-il pas pour autant un très grand péril ?
L’équilibre sylvo-cynégétique est en effet rompu, toutes les courbes de population d’ongulés pointent à la hausse. Il n’y a pas assez de prédation naturelle (lynx, loups) et par les chasseurs. Contre le chevreuil, on peut encore poser des filets de protection autour des jeunes pousses jusqu’à 1,20 mètre de haut, mais contre le cerf il n’y a rien à faire ! Il faudrait édifier des grillages pour clore les parcelles replantées : inacceptable.
Face à la flambée des énergies fossiles, des particuliers optent en masse pour le bois énergie. Faut-il craindre une pénurie de bûches ou de pellets ?
Ces sous-produits dérivent des coupes pour l’industrie, l’ameublement ou la construction : une hiérarchie des usages qu’il convient de préserver. Pour les scieries, la sciure constitue un vrai bénéfice, mais comme elles ont du travail par-dessus la tête, on ne manque actuellement pas de matière première.
On a aussi taxé la Chine de piller les chênes de nos forêts, un scandale international ?
Environ 20% des grumes partent en Chine pour nous revenir en parquets et autres produits dérivés : un non-sens écologique ! Pour y faire face, un label ‘UE’ a été créé, garantissant une première transformation en Europe.
Recueilli par la rédaction
A suivre : Assemblée générale le 24 juin à Ronchamp (70).
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