Wish interdit de séjour en France ? C’est le coup de semonce adressé au site américain spécialiste des « bonnes affaires » à prix cassés par Bruno Le Maire, ministre de l’Economie. Une première en France et en Europe qui donne un coup de projecteur sur les pratiques discutables des plateformes de e-commerce. Car au delà du cas Wish (lire encadré), la prolifération de ces plateformes perd un peu les consommateurs : derrière des noms plus ou moins fédérateurs comme Amazon, Rue du Commerce, Cdiscount, Joom, Darty, Fnac et compagnie se cachent des armées de petits vendeurs, asiatiques en général et chinois en particulier. Dispensés des circuits classiques d’importation et de leurs contraintes, ils livrent directement en Europe certains produits « made in China » contrefaits, de piètre qualité, voire même très dangereux, ceci en toute légalité. Comme l’a révélé BFM Business, il suffit par exemple de quelques coups de marteau assénés sur un casque de moto pour le briser, un casque qui par ailleurs avait reçu de nombreux commentaires élogieux d’internautes, avec de bonnes notes associées. Il faut dire que la ‘dictature’ généralisée des avis n’offre pas plus de garanties que les sites qui s’en prévalent : comme l’ont pointé plusieurs médias, les clients ayant reçu une commande sont incités à chanter les louanges de celle-ci, ‘carotte’ à l’appui (bon d’achat ou de réduction, cashback, etc.).
« 90% d’appareils électriques dangereux »
Alors comment s’y retrouver dans ce maquis parsemé de chausse-trappes ? La Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), chargée par l’Etat de jouer au sheriff s’avère assez démunie du fait du statut de ces plateformes : à la différence des vrais e-commerçants qui commercialisent leurs propres produits sur internet, les marketplaces ne jouent que le rôle d’intermédiaires entre vendeurs et acheteurs. De ‘simples’ hébergeurs qui les dégagent de toutes responsabilités, mais qui leurs permettent d’empocher de rémunératrices commissions… La DGCCRF sonde d’ailleurs chaque année quelques centaines de références sur les milliards proposées par les plateformes, et on ne peut pas dire qu’elle incite à la consommation : sur les trois dernières années, et sur les 450 produits analysés, 63% se sont révélés non-conformes et 28% dangereux. Pire, cette année, « 90% des appareils électriques analysés étaient considérés comme dangereux, ainsi que 62% des bijoux fantaisie » pointe le régulateur. Il évoque entre autres des guirlandes électriques qui peuvent prendre feu, des jouets pouvant être ingérés par des enfants en bas âge, des cosmétiques imitant des laboratoires prestigieux sans aucune liste d’ingrédients, des bijoux fantaisie bourrés de métaux lourds, etc. De quoi faire réfléchir, d’autant plus que la DGCCRF ne peut en général que demander aux plateformes de retirer ces produits de la vente. Un coup d’été dans l’eau, d’où le coup de semonce lancé par l’Etat. Après Wish, Aliexpress pourrait suivre, mais aucune plateforme ne semble vraiment pouvoir garantir la sécurité, la qualité et le sérieux de ses vendeurs tiers…
De vraies sanctions ?
Comment bouter un site de e-commerce hors de France ? La question d’actualité se heurte à certains obstacles techniques. Si les fournisseurs d’accès français pourront sans doute bannir Wish des moteurs de recherche, difficile de supprimer le nom de domaine du site, car ceci équivaudrait à supprimer son accès dans le monde entier. La mauvaise publicité faite au site par les médias sera sans doute beaucoup plus impactante pour ce site américain. Quant aux retraits de produits litigieux, plusieurs plateformes jouent au chat et à la souris avec la DGCCRF : disparus un jour, ils peuvent réapparaitre sous un autre nom le lendemain. Encore une fois, discernement et auto-éducation des internautes restent les maitres mots…à défaut d’user d’armes plus probantes, comme le recours au commerce local par exemple.