L’Édito. Le corbeau et le perchoir

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C’est en sortant de la douche, dans les vestiaires du foot dimanche matin, que certains de mes coéquipiers m’en ont parlé.
« Tu deviens poète et auteur de fable maintenant ? » m’interpella Sébastien. Cette remarque me fit sourire.
Visiblement, il avait apprécié l’histoire de la carpe, du lapin et des petits castors. Et il n’était pas le seul.
C’est ainsi qu’à l’heure de l’apéro (comme souvent), soit quelques minutes plus tard, l’idée d’une suite à l’histoire commençait déjà à germer. Comme à leur habitude, mes pensées défilaient… Apparaissait alors à mon esprit, le flux du récit suivant.
Avant de partir en vacances et de délaisser leur pays merveilleux pour aller profiter d’un peu de dépaysement, vers un littoral quelconque, tous les animaux des rivières, des campagnes et des forêts (carpe, lapin et petits castors compris), s’étaient réunis afin de procéder à l’élection de leur représentant.
En effet, après la terrible inondation (que les petits castors n’avaient pu empêcher), il s’agissait désormais de garnir le perchoir, plus haute branche du plus vieil arbre de la forêt, réservé au porte-parole animalier, en cas de nouveau déluge…
Ainsi, carpe, lapins, petits castors, loups, corbeaux et consorts (près de 600 animaux au total), procédèrent au vote.
Au premier tour, un vieux lièvre des campagnes arrivait en tête, talonné par l’indéfectible chef de meute des loups. Les corbeaux fermaient la marche.
Au deuxième, suite au désistement de nombreux oiseaux (de mauvais augure), c’est le leader des corbeaux qui prenait l’avantage, bien aidé par le ralliement de dernière minute des oiseaux de passage, craignant pour leur survie en perspective de l’automne… Le vieux lièvre arrivait deuxième, tandis que le chef de meute des loups se retrouvait relégué sur la dernière marche du podium.
Finalement, il fallu un troisième tour pour aboutir à une nomination.
Étrangement, bien qu’ultra minoritaire, proportionnellement à la représentativité de l’ensemble des animaux des rivières, des campagnes et des forêts, ce fut le corbeau qui fut élu, avec une petite quinzaine de voix d’avance sur le vieux lièvre.
Il faut dire qu’entre tractations de couloirs, alliances et mésalliances, soupçons de fraude, coups de billards à trois bandes et poker menteur, beaucoup se doutaient bien que tout cela ne serait que duperie.
La situation s’avérait ubuesque : tous avaient voulu changer, mais tous se retrouvaient exactement dans la même configuration…
C’est-à-dire condamnés à subir l’inertie et l’immobilisme, puisque sans aucune réelle tendance majoritaire, au regard des discordes et des clivages incessants.
Pendant ce temps, les conditions de vie devenaient de plus en plus difficiles, le climat de plus en plus déréglé, mais rien n’avançait. Désabusés, beaucoup s’accordaient à penser que « c’était mieux avant ».
Soudain, le bruit des glaçons m’extirpa de mon songe. La conclusion s’imposait d’elle-même : le passé, c’est notre avenir, conjugué au présent de l’indicatif…