Hausses des prix : à qui profite le crime ?

Si une immense majorité de ménages et d’entreprises souffrent, quelques acteurs économiques profitent en toute vergogne de la situation. Bienvenue dans le monde merveilleux des cartels.

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Non, il n’y a pas qu’en Colombie que sévissent certains cartels… Si la drogue ne constitue pas leur matière première, une étude récente* dénonce l’existence bien française et européenne d’ententes illicites entre leaders de leurs marchés. D’après Flavien Moreau, économiste au FMI et Ludovic Panon, économiste à la Banque d’Italie, il s’agit encore et toujours de s’éviter la concurrence, de bannir la guerre des prix pour au contraire favoriser leur hausse. Des pratiques qui deviennent scandaleuses à l’heure où chacun doit serrer sa ceinture de plus en plus fort. Et d’autant plus inappropriées que les coupables avérés ou supposés détiennent des leaderships sur leurs marchés, et peuvent ainsi facilement dicter leurs prix et leurs conditions à leurs entreprises clientes. Car il s’agit souvent de matières premières, de produits bruts, ou de services incontournables payés au prix fort, prix fort qui sera bien sûr –in fine- payé par le consommateur final, qu’il soit un simple particulier ou une entreprise. Des augmentations artificielles de tarifs estimées par les auteurs de l’étude entre 12 % et 25 % selon les types de cartels. Ceux-ci ont également estimés que ces ententes illicites peuvent durer en fonction du contexte économique : de 4 à 6 ans en moyenne, certains peuvent atteindre une trentaine d’années.

Des amendes inférieures à la moitié des profits

Pourquoi ce type de pratique vieille comme le monde perdure t-il ? La réponse est toute simple : si l’arsenal législatif anti-cartel s’est musclé au fil des ans, les amendes encourues prêtent encore à rire. Selon une autre étude empirique signée John Connor, de l’American Antitrust Institute, ce dernier explique que ces sanctions culminaient alors au mieux à…. 44 % du profit illicite. De quoi se remplir encore sérieusement les poches et favoriser l’existence de 1.100 cartels internationaux à travers le monde entre les années 1990 et 2017. Toutefois, sur notre continent, la Commission européenne a accru ses sanctions de 3,4 milliards € dans la période 2000-2004 à 8,2 milliards entre 2015 et 2019. Comme dans d’autres domaines, les victimes ont également davantage propension à porter plainte, mais le meilleur moyen de lutter contre les cartels reste les « repentis ». A l’instar des mafieux « blanchis » après avoir dénoncé le trafic de leurs ex-complices, des mesures de clémence sont appliquées au premier membre d’un cartel ayant le courage de dénoncer l’existence d’une entente illicite… Et même une immunité totale si quatre conditions sont remplies : apporter une coopération totale à la Commission, fournir toutes les preuves en leur possession, mettre fin immédiatement à l’entente, et ne pas avoir contraint d’autres entreprises à y participer. Quelques exemples célèbres de cartels restent dans les annales, osons espérer que l’histoire relègue leur existence au passé…

La rédaction

Des cartels (trop) célèbres

Le cartel des boites de conserves : en 2019, Coroos et le groupe Cecab ont été condamnés à une amende de 31,65 millions d’euros pour entente illicite sur la fourniture desdites boîtes. Le groupe Bonduelle en a été pour sa part exempté pour avoir dénoncé celui-ci.

Le cartel des camions : en 2016, MAN, Daimler, Volvo/Renault et Iveco sont condamnés à une amende record de 2,9 milliards d’euros pour s’être entendus durant 14 ans sur les prix, conditions de livraisons, etc.

Dans le cartel du cochon, 23 sociétés ont été condamnées il y a une dizaine d’années à un total de 93 millions d’euros d’amendes, parmi lesquelles Madrange, Aoste, Intermarché/Les Mousquetaires, Fleury Michon, Nestlé, etc.