Sobriété énergétique ou décroissance ?
37, 38, 39 degrés au mois de juin : au coeur d’une canicule étouffante, la venue d’Emmanuelle Wargon était très attendue le 27 juin à Poligny. Même si elle n’est pas la plus médiatique (laissant ce soin à son ministre de tutelle, François de Rugy), environ 200 personnes (pour la plupart écologistes, comme l’a montré une forte délégation du « Pic noir ») ont interpellé « Madame transition écologique » sur des thèmes sensibles. Morceaux choisis.
A l’image de Greta Thunberg, une toute jeune militante de « Youth for climate » (la jeunesse pour le climat) a fait une intervention remarquée, apostrophant la ministre sur « l’urgence de la situation ». « A quand des solutions ? » a-t-elle lancé, la meilleure pour sauver la planète étant selon elle la décroissance économique. L’énergie la plus propre et la moins chère étant celle qu’on ne consomme pas, Emmanuelle Wargon a priorisé la sobriété énergétique…tout en défendant l’économie de marché. La « mère » de toutes les énergies n’est donc encore pas de ce monde, ni même au coeur des débats, même si des efforts bénéficient au secteur du bâtiment entre autres.
![](https://hebdo39.net/wp-content/uploads/2019/06/P1210084.jpg)
Vent mauvais sur l’éolien
Malgré la volonté affichée de doper l’éolien en France (3 fois plus d’éoliennes à l’horizon 2030 selon Emmanuel Macron), les oppositions demeurent farouches comme l’a rappelé le président d’un collectif régional de 110 associations écologistes : « La distance minimale de 500 mètres avec des habitations n’est pas adaptée à des éoliennes de plus de 150 mètres de haut. Nous demandons que la distance minimale soit proportionnelle à la hauteur, par exemple 10 fois la hauteur, comme en Bavière ». Emmanuelle Wargon a répondu que si une distance minimale d’un km était requise, « il n’y aurait sans doute plus de zones d’implantation possible », eu égard aux nombreuses zones d’exclusion réglementaires. Michel Moreau, figure emblématique de l’écologie champagnolaise, a assuré qu’ « une centaine d’éoliennes pourraient assurer l’autonomie énergétique du Jura, et 12.700 celle de la France ». Emmanuelle Wargon a également visité le parc éolien de Chamole au cours de cette journée marathon, un parc éolien défendu par son « père » Jean-Louis Dufour. Le maire de Chamole, fervent promoteur de l’éolien mise sur la pédagogie, avec la création d’un sentier au pied des éoliennes pour mieux faire connaître cette énergie renouvelable.
![](https://hebdo39.net/wp-content/uploads/2019/06/P1210061.jpg)
Et le solaire ?
Curieusement, alors que notre astre étend année après année son emprise sur le Jura, les projets de centrale photovoltaïque demeurent rares. Un professeur du lycée « Le Corbusier » à Lons le Saunier a plaidé pour l’installation de panneaux sur le toit des bâtiments scolaires, pour permettre à minima une autosuffisance. La création de « centrales villageoises » passe mieux que l’implantation de grands parcs solaires. Yves Poete, maire d’Avignon les Saint Claude, a ainsi fait part d’un projet intéressant sur son secteur (toits publics et privés), grâce au soutien du Parc naturel du haut-Jura.
D’autres énergies vertes à ne pas négliger
D’autres énergies renouvelables on a été évoquées en particulier la méthanisation, avec la visite de l’unité de Gendrey, ainsi que le bois énergie. Le président des communes forestières du Jura a rappelé que 45% du département était constituée de forêts, d’où un énorme potentiel en dépit de l’invasion de scolytes (insectes ravageurs), qualifiée de « catastrophe sanitaire majeure ». Albert Higounenc, ex-président de la communauté de communes d’Arbois, a pour sa part apporté de l’eau au moulin de l’hydroélectricité. Taclant fermement la Direction de l’eau et de la Biodiversité (DEB) qui prône la disparition des moulins, il a enjoint la ministre de ne « pas se laisser endormir par son administration qui lui ment ». Selon lui, un net distinguo –favorable à la production d’hydro-électricité est à faire entre la notion de barrage et celle de seuil.
![](https://hebdo39.net/wp-content/uploads/2019/07/P1210021.jpg)
Moins de charbon et de nucléaire
La ministre a rappelé que le mix énergétique français compte encore un héritage encombrant : 4 centrales électriques à charbon, qui polluent selon elle autant que 4 millions de voitures. Leur fermeture est donc programmée, de même que la « fermeture des deux réacteurs nucléaires de Fessenheim », ainsi que la fermeture de 12 autres vieux réacteurs d’ici 2035. Alors que 72% de l’énergie française provient du nucléaire, le défi s’annonce donc incommensurable. Emmanuelle Wargon a plaidé pour le rééquilibrage du mix énergétique de la France, tout en mentionnant les doutes de certains sur l’objectif affiché (moins de 50% de nucléaire à l’horizon 2035).
Moins de paperasses et plus de stabilité
Plusieurs intervenants ont pointé du doigt les lourdeurs étouffant certains projets novateurs. La DREAL a de son côté soulignés que les dossiers arrivent « tout ficelés » sur son bureau, écartant ainsi son rôle éventuel de conseil. Brigitte Monnet, maire de Val Sonnette a également mis en exergue la nécessité de politiques stables sur le long terme, afin « d’éviter de mauvaises surprises entre le début et la fin d’un projet ».
Dossier réalisé par Stéphane Hovaere