Les forêts du Jura en mode Phénix

Faudra t-il couper les arbres asséchés par un été torride ? La question prime, à l'heure où l'on voit des arbres dénudés à perte de vue...y compris -et c'est inédit- dans le Haut Jura.

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Il faudra encore attendre un peu pour voir des baobabs dans nos plaines et nos montagnes…

« Il ne faut pas céder à la panique » : pour Christian Bulle, président des forestiers privés de Franche-Comté, les forêts du Jura ont certes connu un été catastrophique, mais elles pourraient s’en relever. Les feuillus, avec leurs branches dégarnies ou leurs feuilles roussies tombées à terre depuis longtemps, constituent l’exemple le plus frappant de ces dégâts; mais Christian Bulle remarque qu’en « 1989 ou en 2020, ils avaient également perdu leurs feuilles prématurément mais ont redémarré l’année suivante ». Bien heureusement, il ne faudra pas couper tous les arbres roussis par la sécheresse, mais selon l’homme des bois, ils s’avèrent fragilisés : « les hêtres en particulier ne disposent que d’une écorce très fine. A l’instar des humains, ils peuvent prendre des ‘coups de soleil’ qui créent des fentes où les champignons et les insectes peuvent s’engouffrer ».

Bois scolytés

« Ces fentes liées à une trop grande sécheresse peuvent également affecter les bois scolytés » prévient Christian Bulle, c’est à dire les arbres rongés par de minuscules insectes ravageurs (les scolytes typographes). Après avoir réussi à purger le marché en abattant et en écoulant un incroyable volume de bois malades, les forestiers espéraient ce printemps avoir mis le holà au scolyte. Il n’en est rien : les températures caniculaires lui ont donné des ailes…y compris dans le haut Jura ! Une situation totalement inédite, puisque jusque-là les zones situées à plus de 800 à 1.000 mètres étaient considérées comme des sanctuaires pour les résineux. Désormais les vastes forêts d’épicéas du Haut Jura ne sont plus à l’abri, et cela change tout : il est possible qu’il faille ici aussi y abattre des arbres malades, pour éviter que les foyers de contamination fassent tache d’huile. Sachant aussi que si un feuillu sec peut reverdir, un résineux sec est lui considéré comme mort…
Puisque hêtres et épicéas peuplent nos forêts à plus de 80%, il faut donc s’attendre à voir nos paysages profondément bouleversés dans un futur plus ou moins proche. Si on parle de sapin de Turquie ou de cèdre de l’Atlas pour les remplacer, le tilleul ou l’érable sycomore semblent bien résister eux aussi à ce nouveau climat « méridional ».
Mais, comme le lance avec humour Christian Bulle, il faudra encore attendre un peu pour voir des baobabs dans nos plaines et nos montagnes…

S.H.

 

Christian Bulle, président des propriétaires forestiers privés de Franche-Comté.

 

Des cours solides

Sans avoir flambé, les prix de vente du bois se tiennent bien jusqu’ici. La conséquence d’une forte demande et de carnets de commande bien remplis dans l’industrie de transformation du bois. Quant au chêne, le président Bulle estime que la Chine importe toujours environ 20% de notre production, un chiffre appelé à baisser il l’espère.