Le texte visant à inscrire l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution
sera présenté au Congrès le 5 mars 2024 vient d’annoncer la ministre des Solidarités
et des Familles.
Le Congrès, réuni sous les ors de Versailles, va donc inscrire. Ou pas. Mais quelle
ironie de l’Histoire de confier l’issue de ce moment de sexe au Congrès !
On a oublié qu’au XVIème siècle le mot congrès entre dans notre langue en
désignant l’union tous sexes confondus de l’homme et de la femme. L’image est
souriante et mérite un rappel historique.
Le congrès, du latin congressus, c’est alors la rencontre des deux sexes quand ils ne
sont plus opposés mais emboités (1). Inutile de vous faire un dessin.
Le mot est ensuite entré dans le langage juridique pour désigner « l’épreuve légale
destinée à constater l’impuissance du mari, invoquée pour annuler un mariage » (2).
Bin voui ! Le mari comparaissait devant un jury composé d’un prêtre, d’un médecin,
d’un chirurgien, d’une matrone (3) et d’un greffier. On ne dit pas si la bonne du curé
était de la partie et si le greffier était mignon (4) car il faut laisser à l’imagination de chacun le loisir de s’exprimer. L’épreuve pouvait durer des heures. Parfois des jours.
Elle était éprouvante. D’autant qu’après érection et éjaculation dûment constatées
(qu’on appellerait en patinage artistique le programme imposé) arrivait le moment du
devoir conjugal (qu’on appellerait le programme artistique. Sauf qu’on n’entend pas
Le Beau Danube Bleu, ni Le Lac des Cygnes).
La foule en sueur attend le verdict du jury.
Le taux de réussite est faible -allez savoir pourquoi- et après ce congrès bien des
mariages sont annulés.
Cette pratique fut abolie le 8 février 1659 (5) et désormais le Congrès se perpétue à
Versailles dans une tout autre ambiance.
Notes pour mieux comprendre…
(1)- Superposé signifie l’un sur l’autre ; emboité convient mieux dans ce contexte qui
-l’un dans l’autre- parait plus proche de la réalité. Mais je vous laisse le choix selon
vos habitudes, votre personne alitée ou votre inspiration du moment.
(2)- Dans les premières versions du Manuel diagnostic et statistique des troubles
mentaux (DSM) créé en 1952 et qui fait autorité, il n’existait que deux types de
dysfonction sexuelle : la frigidité chez la femme et l’impuissance chez l’homme. Mais
depuis les années 60 les genres se sont multipliés à l’envi et les dysfonctionnements
aussi malgré le manque chronique de psychiatres pour en faire le diagnostic.
 notre époque en perpétuelle recherche de l’égalité femme-homme il est étonnant
qu’aucun stratagème n’ait été mis en place pour débusquer la frigidité. Il est vrai
qu’elle saute moins aux yeux que l’impuissance…
(3)- Le statut de la matrone s’est dégradé au fil du temps. Issu en 1223 du latin
matrona, la matrone était une femme mariée, mère de famille. Elle portait une idée
de noblesse et de dignité. C’était la belle fille idéale. En 1340 elle désigne
maintenant la sage-femme. Passe encore… Mais, au fil du temps, tout est parti en
eau de boudin et la matrone est devenue, à son corps défendant, en 1718, une
maquerelle. Désormais, elle restera empiégée dans la trace de ce dérapage infamant
pour une femme et deviendra vers 1835, au mieux, une virago en postménopause,
corpulente voire dodue où la gravité d’antan de bon aloi a fait place à une vulgarité
déroutante.
Les féministes trouveront à redire de cette déchéance d’autant que dans le même
temps le masculin de la matrone, le patron n’a fait qu’embellir dans la vision de la
société au point d’être respecté, plein aux as et souvent exempté de diverses
contraintes désagréables…
(4)- Le greffier a désigné le chat en argot depuis 1821. On en trouve l’origine dans le
« Glossaire argotique des mots employés au bagne de Brest et connu des voleurs de
toutes les provinces françaises ». Épuisé. C’est la griffe du chat qui a conduit au
greffier. Le greffier est devenu mignon plus que de raison depuis une chanson de
Pierre Perret en 1963.
(5)- Le 8 février est par ailleurs le jour de la Sainte Jacqueline. C’est sans rapport
mais puisque c’est justement de ça qu’on parle… On fête ce jour-là Jacopa de
Settesoli morte à Assise en 1274. Elle fut une disciple et une amie de Saint François
d’Assise. Elle avait épousé Gratiano Frangipani, seigneur de Marino, et quand elle recevait François elle lui confectionnait une crème aux amandes qui faisait son bonheur sur terre et que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de frangipane.
Quand on peut finir une rubrique par le dessert pourquoi s’en priver ?