Comme il devient difficile en temps de guerres de rédiger d’un ton guilleret (1) et
folâtre une rubrique hebdomadaire parsemée de blagounettes à deux balles (2)… Ce
que l’on entend et ce que l’on voit sur nos écrans ne donne guère envie de
persévérer comme naguère sur un registre badin… La mort sur la Terre comme au
Ciel partout s’éternise, de moins en moins floutée.
On le savait : il vaut mieux prévenir que faire la guerre. Mais il est trop tard.
Chez nous le mot « guerre » aurait dû dériver du latin bellum. Tant de nos mots
trouvent leur origine dans la langue de Cicéron…
A priori, un maximum de mots adéquats a été tiré du latin en fac-similé idem et gratis.
Il y eu certes par intérim des quiproquo, des agendas et des visas recto-verso avec
des ultimatum sans récépissé. Mais a postériori sur nos prospectus, dans nos
albums et au cinéma jusqu’au summum de la libido sous latex en caméra vidéo
(sans gluten ni placebo), les mots d’origine latine in fine nous ouvrent la voie illico
presto. Et cætera…
Mais le mot guerre dérive en fait depuis 1080 du francique werra. Il s’est détaché de
sa racine latine victime d’une proximité insoutenable car si bellum est la guerre,
bellus est l’adjectif qui signifie joli, gracieux, délicat. Avec les imbroglios des
conjugaisons et des déclinaisons on se heurtait à des homonymies insupportables
pour les familles des victimes.
Dès le IXème siècle il fallut se rendre à l’évidence : le germain combattait avec bien
des talents et les armées romaines, en comparaison, ne valaient que peau de balles
et balai de crin (3). Les flots de sang sont plus impressionnants que de pauvres
épistaxis au compte-goutte.
Le mot guerre s’imposa alors à tous les survivants et bellum ne nous laissa que
« belliqueux ». Il fallut bien s’en contenter…
Notes explicatives pour une plus grande clarté du récit :
(1)- En comtois le guilleri est le petit doigt, l’auriculaire… Et le guilleri-bouton qu’on
trouve sous la plume de Louis Pergaud dans La Guerre des boutons n’est autre que
le fruit de l’églantier, le gratte-cul. Sans autre lien avec le petit doigt qu’une proximité
d’écriture dans un même paragraphe.
En français du XIIème siècle guiler c’est tromper, duper. En 1220, aler en guile c’était
se divertir avec l’idée d’une tromperie. De quoi être tout guilleret ! Plus tard le guilleri
a désigné le chant du moineau, puis bien vite le moineau lui-même. Le Compère
Guilleri est une chanson enfantine des années 1600.
C’est l’histoire d’un p’tit homme appelé Guilleri, carabi ; il s’en fut à la chasse, à la
chasse aux perdrix, carabi, titi carabi, toto carabo…
Plusieurs hypothèses s’affrontent sur l’origine de cette chanson. Certains prétendent
qu’elle fait allusion à une bande de brigands bretons les trois frères Guilleri -sortes de
Dalton à la mode de Bretagne- qui pendant dix ans à la tête de 400 complices
pillèrent Bretagne et Poitou avant d’être faits prisonniers en 1608, condamnés à mort
et roués vifs à Saintes.
Plus probablement guilleri désignait le moineau et dans l’envolée d’une audacieuse
métaphore il désignait aussi le sexe masculin. Le fils d’Henry IV, le dauphin Louis
désignait ainsi, quand il était enfant, son sexe et il allait jusqu’à prétendre (tenez-
vous bien) « qu’il y avait un os dedans ». Bien sûr, du coup et par voie de
conséquence « la chasse aux perdrix » dont il est question dans la chanson prend un
tout autre sens. Mais ça n’est pas le lieu ici de l’illustrer par des gravures
graveleuses. Merci de ne pas insister…
(2)- L’argot s’est toujours intéressé aux pièces sonnantes et trébuchantes.
Aujourd’hui il arrive qu’elles trébuchent encore et la balle comme toutes les monnaies
a connu des hauts et des bas. La demande « t’as pas cent balles ? » est fréquente aujourd’hui encore dans nos cités. Au début (en 1655) la balle valait une livre.
Comme au Royaume de France la livre valait 20 sous ou 240 deniers, la demande
pouvait tout aussi bien se dire « t’as pas 24 000 deniers ? ». Ce qui équivalait à un
tiers d’écu. Les opérations étaient difficiles, le tiers étant rarement un chiffre rond, et
la virgule étant vécue comme mesquine en matière de générosité. Aujourd’hui, cette
formulation est inusitée et vieillotte. Ensuite la balle fut un franc (en 1797). Cent
balles , c’était cent francs. Mais l’euro est venu bouleverser la francophonie et
aujourd’hui en France comme en Belgique cent balles c’est cent euros. Tout
augmente…
À noter que -cité par Flaubert- la balle a désigné un temps le testicule et l’expression
peau de balle ne signifie pas peu d’écu, mais -en fait- met le doigt et attire la tension
sur une fourrure scrotale de peu de valeur.
(3)- Je ne reviens pas sur la peau de balles, de coucougnettes ou de roubignolles
dont vous êtes maintenant rassasiés. Mais que dire du balai de crin ?
De la balle au balai il semble qu’il y ait eu une redondance -pour ne pas dire un
glissement- dont notre langage est gourmand : cool, Raoul ! à la tienne, Etienne ! Je
veux, mon neveu !
Si la peau de balle n’a aucune valeur comment comprendre que la peau des fesses
qui ne lui est guère postérieure soit portée aux nues ? Tout autant que la prunelle de
Meyzieu à ne pas confondre avec la Reine Claude d’Oullins.