Déconsidération

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Maintenant que le grand rideau écarlate est retombé sur la scène politique, et que nous allons repartir pour un tour de manège (à sensations désagréables) de cinq ans, avec probablement un programme peu reluisant qui s’annonce (il va bien falloir payer la facture du « quoi qu’il en coûte »), nous pouvons cependant livrer le bilan des derniers jours de la campagne présidentielle particulièrement chahutés que nous venons de vivre et qui, à n’en point douter, resteront dans l’histoire des faits symptomatiques de notre époque décadente et diluée.
En effet jamais jusqu’alors, n’auront été observés autant de dogmatisme, de certitudes, d’éléments rhétoriques ridicules sinon d’invectives, balancés parfois contrebalancés entre individus défendant pourtant souvent (et c’est bien là le plus grave, le plus comique ou le plus navrant), le même idéal universel, souverainiste, voire libertaire.
Ainsi, durant toute la semaine passée, se succédèrent de la part d’artistes, de sportifs, de personnalités médiatiques ou d’organes de presse, les tribunes, prises de parole et injonctions destinées à « voter pour la République » (laquelle ?) et donc en faveur d’Emmanuel Macron.
Un seul mot d’ordre : En Marche ou crève !
Ont aussi fleuri sur les réseaux sociaux de grandes explications de texte nous détaillant : « Je voterai … car… « . Avec en filigrane, toujours la même fable du grand méchant loup Fascisme n’attendant que la venue du gentil petit chaperon rouge Démocratie pour le dévorer tout cru derrière le premier arbre de la forêt, à l’abri des caméras et des oreilles trop indiscrètes d’un peuple vierge de toute forfaiture.
Comme si nous n’étions pas assez cultivés, pas assez réfléchis, en somme trop idiots, pour accomplir notre devoir électoral en notre âme et conscience. Quel affligeant mépris ! Quoi de plus contre-productif et de plus contradictoire ? Surtout lorsque l’on crie haut et fort s’élever contre le totalitarisme… tout en dictant à l’autre ce qu’il lui faut penser et donc voter !
Comme si le fait qu’un footballeur ou qu’un comédien, quand bien même nous eussions particulièrement apprécié son immense talent, prenne parti pour ou contre X ou Y, allait changer quelque chose à notre quotidien composé de complexes et quelquefois insolubles problématiques professionnelles, familiales, sanitaires, financières, éducatives, sécuritaires, sociétales, sentimentales, etc…
Une bonne cure de réalité ferait sans doute beaucoup de bien à tous ces artisans du prêt-à-penser à sens unique, afin de leur remettre la tête à l’endroit.
D’ailleurs puisqu’ils ont été si nombreux à briser le premier tabou français en nous indiquant clairement pour qui ils allaient voter, qu’ils brisent désormais le deuxième. Et nous dévoilent avec autant de détails, combien ils gagnent…