L’année nouvelle commence comme l’autre a fini (1). Pour nous séduire, les
amuseurs sont déchainés !
Le Journal de 20 heures du premier janvier est formel : cette année les braqueurs seront bien punis. Si tant est qu’on les attrape. Sinon ce sera comme avant. Voilà qui réconforte nos buralistes, nos boulangers et nos petits commerçants ! Lorsqu’ils seront attaqués au pied de biche (2) pour dérober dans leurs coffres une poignée d’euros, la sentence désormais tombera. Et la Justice a la main lourde : ils risquent nous dit-on « 100€ d’amende et 20 ans de prison ». Ça jette un froid qui dégouline en larges flaques dans les dos complètement givrés des truands explosés soudain d’angoisse et de repentir. Du moins s’ils regardent la télé.
Le deux janvier, sur le même écran, on part en chasse contre les voisins indélicats (à moins que ce ne soient les livreurs) qui dévalisent nos boites aux lettres (3).
Qu’à cela ne tienne ! Nous aurons toujours plus de caméras de surveillance (4). Et avec
l’air sévère d’une prof d’anglais choquée par un verbe irrégulier maltraité, la journaliste nous le dit tout net : ce sera « 3 ans de prison et 35 000 euros d’amende ».
Je crois bien que quelques malfrats ont fait pipi sous eux.
Le trois janvier le JT nous apprend que 38% des français se livrent à de petits larcins quand ils louent une chambre d’hôtel. Balayette de WC et son seau, produits de beauté, ceintres, pantoufles et robes de chambre… pour eux ce sera « 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende »…
Ces menaces enchantent les populations et font rire dans les prisons et aussi sous
les amandiers.
Je vous souhaite des journaux de 20 heures tout aussi rigolos (5) en 2024. Et si en
plus on n’est pas pris pour des gros débiles ce sera encore mieux.
Notes de l’auteur pour un éclairage supplémentaire :
(1)- La formule est concise mais elle est abusive. L’année se termine à la Saint
Sylvestre et elle commence par le Jour de l’an. On voit aussitôt l’énorme différence
qu’il faut prendre en compte. Faute de quoi ce pourrait bien être 2 ans de prison et
15 000 euros d’amende.
Saint Sylvestre a joué un rôle important dans l’histoire de l’Église alors que le jour de
l’an -pensez-vous !- pas du tout. Sylvestre est né au IIIème siècle à Rome, rue
François I-er. Une naissance très ordinaire : c’est bien plus tard qu’on l’appela
« Saint-Sylvestre ». Il fut évêque de Rome avant de devenir le 33-ème pape. Il n’eut
pas une vie facile car en ce temps les chrétiens étaient minoritaires et beaucoup en
ont bavé.
(2)- Il m’aura fallu des années pour comprendre que les biches ont des pieds. Qui
entrent en concurrence avec leurs yeux en amandes souvent chers payées.
Je croyais comme beaucoup d’abonnés au Chasseur Français que les biches
avaient plutôt des sabots comme autrefois ma grand tante Margot. Que nenni !
Dans la biche, pour peu qu’elle s’en donne la peine, tout est bon : son œil en un clin
peut séduire quelque vieux beaux ; son pied permet ensuite l’ouverture des bourses
et des coffres les plus récalcitrants… Au XIXème siècle, son ventre participait à un
juron très en vogue avec le soutien inconditionnel et répété d’Alexandre Dumas.
Comme bien d’autres ventres : ventrebleu ! ventre de moine ! ventre du diable ! Cette
utilisation est devenue désuète. Si vous êtes comtois faites plutôt confiance à Vin
Diousse ! qui déçoit rarement.
(3)- On ne devrait pouvoir être dévalisé que dans les transports quand nous
accompagne une valise. Le verbe d’origine était détrousser qui rendait compte sans
la détailler de la confiscation de tous les biens directement porté sur nous. Parfois y
compris notre linge de corps ou nos nuisettes et pyjamas… Ça dépendait des lieux et
des époques. Et aussi de l’horreur et de l’horaire du larcin. Le verbe dévaliser, du fait
de la modernisation des extorsions, rapines, filouteries, friponneries et rackets, a
remplacé en 1870 le verbe détrousser mis à l’étal en 1546 et qui datait un peu.
(4)- Il est des lieux publics où les caméras se filment entre elles. C’est que le vol de
caméra devient monnaie courante et ce dispositif devrait y mettre un frein. Sinon il ne
restera plus qu’à mettre un gendarme au pied de chaque caméra pour éviter qu’on
ne la vole. Une étude récente montre que cela aurait un surcoût important.
(5)- Rigolo est amusant. Si lavabo nous vient du latin (je laverai) comme placebo (je
plairai) ou pedalo (j’avance vers la plage pour boire une bière dès que je mets pied à
terre), rigolo, lui, n’est pas latin. D’ailleurs on dit une rigolote avec un seul T alors qu’il
ne viendrait à l’idée de personne de parler d’une lavabote, même bouchée.
Le terme rigolo est apparu dans Le Gamin de Paris de Gustave d’Outrepont. en
1848. Il désigne alors un enfant des rues qui connaitra une brusque renommée grâce
au Gavroche de Victor Hugo quatorze ans plus tard.
Ce rigolo de Gustave d’Outrepont est ainsi brossé à grands traits : il crie : « Vive tout
le monde ! À bas tout le monde ! ». C’est nous dit l’auteur « pas plaisir, par
désœuvrement et sans motif, car il n’est payé par personne … Ce rigolo a
l’insouciance de l’enfance, il se moque des conventions et de la bienséance et va là
seulement où son plaisir le mène ».
Il avait sa place dans cette rubrique.