Incendiaires : quel est le profil ?
Un Jurassien d’une vingtaine d’années sera jugé d’ici quelques jours. Il est soupçonné d’être l’auteur de l’incendie de Cornod en août. Son profil a été rapidement dévoilé par le tribunal qui l’a maintenu en détention. Un expert explique ce comportement « criminel ».
Il voulait devenir policier. Il a été pompier volontaire l’espace d’une année avant que son engagement soit résilié. Un Jurassien d’une vingtaine d’années était présenté en comparution immédiate jeudi 25 août. Il devait répondre de la destruction de 237 hectares de parcelles agricoles et sylvicoles le 10 août à Cornod.
Si l’affaire a été renvoyée au 26 septembre, car sur les 64 victimes recensées, toutes n’ont pu être avisées, la presse en a appris un peu plus sur cet homme qui reconnaît les faits. Un jeune papa de deux filles avec une épouse enceinte, fiché à la Banque de France, qui raconte aimer aller au casino. Un Jurassien sans casier judiciaire, qui a très mal vécu son emprisonnement. « Je ne mange pas, je ne dors pas », lâche-t-il à la barre.
Surnommé « le mytho »
Le médecin, qui l’a rencontré, le décrit comme « assez vulnérable. Il a peu confiance en lui ». Il est demandeur d’un suivi sur le plan psychique.
« Il reconnaît être l’auteur de faits d’une particulière gravité qui ont fortement perturbé l’ordre public, met en avant le procureur de la République, Lionel Pascal. Il a initié un feu sur une végétation sèche, dans un coin particulièrement reculé. Le 9 août, il y avait déjà eu un incendie, qui lui a donné l’idée de tester dans quelles conditions un feu prenait ».
Pour lui, le risque de récidive n’est pas exclu.
« S’il est surnommé par sa famille « le mytho », c’est qu’il a du chemin encore à faire. Je demande son maintien en détention ».
Son avocate, Sophie Lorimier-Baudot, réclame une consultation psychiatrique urgente et sa remise en liberté sous contrôle judiciaire avec un suivi assorti de soins.
« Il a un certain nombre de choses à régler et commence à s’en rendre compte. Il doit pouvoir anticiper qu’il doit indemniser des victimes et travailler. On peut se fixer des horaires de sortie dans le cadre de son activité d’auto-entrepreneur carreleur ».
Le tribunal a ordonné un supplément d’informations pour identifier l’ensemble des victimes, y compris les successions, et compléter l’expertise psychiatrique.
L’audience a été renvoyée au 26 septembre et le Jurassien maintenu en détention notamment pour « le protéger des victimes ».
Avis d’expert
Contacté par notre rédaction, un célèbre psychiatre jurassien (qui fut également expert auprès des tribunaux) a accepté de livrer son explication quant à la démarche pouvant conduire à ce comportement qu’il qualifie de « criminel » puisque selon lui « l’incendie volontaire constitue l’un des trois crimes majeurs, les deux autres étant l’homicide et l’agression sexuelle ».
Quant au profil type de la personne qui met le feu en toute connaissance de cause, celui-ci détaille :
« Assez souvent, lorsque l’incendiaire n’a pas de complice, il s’agit d’un homme célibataire ou divorcé, du moins solitaire, âgé de 15 à 40 ans, issu d’un milieu familial défavorisé et pathogène, de niveau éducatif médiocre, sans passé psychiatrique caractérisé mais anxieux, immature et timide, qui consomme trop d’alcool, qui connaît des difficultés d’adaptation sociale, dont le mobile est la haine ou la vengeance. Se venger ou venger un proche d’une offense, d’une frustration, d’une injustice est l’étiologie la plus courante des actes incendiaires comme « réaction de décharge » : licenciement professionnel injustifié, rupture affective, contrariété, querelle de voisinage, jalousie ou colère contre un tiers, une collectivité ou une corporation… »
« L’incendiaire est un homme partagé entre son plaisir de mettre le feu et l’expression de son sadomasochisme »
On estime qu’un tiers des incendiaires seraient récidivistes, la précocité du premier passage à l’acte augmentant le risque. La moitié des incendies sont commis en état d’ébriété, un auteur sur cinq présente un retard mental. Plus de 80% des auteurs d’incendie volontaire sont des hommes.
« Le pyromane, monomane maniaque du feu, se caractérise par son attirance, sa fascination pour le feu et tout ce qui s’y rapporte, par le plaisir, la gratification ou le soulagement de son excitation émotionnelle (shoot) qu’il retire de son comportement incendiaire prémédité et organisé, et par l’absence de mobile rationnel (idéologie, bénéfice commercial, dissimulation d’un autre crime). Il s’agit d’une obsession-impulsion consciente, obsédante, appartenant au registre de la névrose obsessionnelle ».
Et notre psychiatre de conclure :
« L’incendiaire est un homme partagé entre son plaisir de mettre le feu et l’expression de son sadomasochisme ».