Quelle santé financière pour nos collectivités locales ?

A l’occasion du Salon des Maires et des Collectivités Locales (SMCL) s’étant déroulé la semaine dernière, la Banque Postale et la Banque des Territoires, en partenariat avec l’Association des Maires de France (AMF) ont publié une étude dédiée à la situation financière du bloc communal. Explications et détails.

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L’année 2020 a été marquée par le renouvellement des conseils municipaux, mais aussi et surtout par les effets de la crise sanitaire sur les ressources communales.
Cette première année de mandat met en lumière le fameux « effet ciseau » pesant sur les finances des collectivités locales. Si les dépenses de fonctionnement ont stagné (96,14 Md€ en 2020 contre 96,15 Md€ en 2019), les recettes ont largement décroché, notamment celles liées à la vente de services (cantines scolaires par exemple pendant les confinements). Idem pour les rentrées fiscales du fait de la baisse de l’activité économique. Cet accroissement inédit de l’effet ciseau, a généré une diminution importante des capacités d’autofinancement et de l’épargne nette du bloc communal.

Diminution des investissements

Dans ce contexte, l’encours de la dette a augmenté détériorant le ratio de désendettement (mesure le rapport entre l’épargne et la dette et donc la capacité estimée en années de remboursement des emprunts) en raison de la baisse de l’épargne brute. Le résultat est toutefois atténué par la faiblesse des charges financières.
La conséquence directe a été la diminution des dépenses d’investissements de cette première année de mandat.
Ainsi, les marges de manœuvre sont étroites pour les exécutifs communaux, entre les promesses électorales et la réalité des chiffres, si ce n’est actionner le levier de la fiscalité locale…
A ce titre, dans le Jura, nombreux sont les contribuables à s’étrangler face à l’augmentation (parfois supérieure à deux chiffres en pourcentage) de leur dernière taxe foncière, par exemple. Alors que parallèlement, de nombreux services publics qu’ils soient étatiques ou locaux n’ont jamais été aussi dégradés…
Cependant, la stagnation des dépenses de fonctionnement cache des différences entre les collectivités. Les communes enregistrent en moyenne une baisse de 0,78% de leurs dépenses quand celles des EPCI (communautés de communes, d’agglomération, urbaine et métropoles) augmentent de 2,09%. Un écart directement lié aux nombreux transferts de compétences.

Forte augmentation des dépenses d’intervention

Aides directes, subventions sont des versements effectués pour aider et soutenir aussi bien les ménages que les entreprises ou les associations. Ils ont augmenté en moyenne au niveau national de 2,1%, la plus forte augmentation depuis 2014, à tous niveaux de collectivités. Avec pour effet de soutenir le tissu social, économique et associatif de leurs territoires par des aides supplémentaires, en particulier les EPCI qui disposent de la compétence économique (augmentation des avances sur marchés au-delà de 20%, réduction des délais de paiement).
Bon nombre de collectivités ont par ailleurs mis en place des opérations chèques cadeaux ou bons d’achats remis aux habitants pour maintenir ou relancer l’activité locale (commerces de proximité, lieux de culture…).

Augmentation des dépenses de personnel

Les collectivités locales ont maintenu les personnels en emploi malgré la baisse des ressources. Au plan national, les frais de personnel des collectivités locales se sont élevées à 48,45 milliards d’euros, en augmentation de 0,88% par rapport à 2019. En dehors de la revalorisation des parcours professionnels, la hausse est également liée au recours à des personnels supplémentaires particulièrement dans les écoles pour respecter les protocoles sanitaires (périscolaire et cantines). A contrario, certains postes ont été supprimés : moins de recours aux contrats saisonniers et suppression des vacataires dans les équipements fermés au public.
La crise économique générée par la crise sanitaire a eu un impact fort sur le fonctionnement des collectivités locales. Les dépenses de fonctionnement supplémentaires pour venir en aide aux habitants et aux entreprises se sont ajoutées à la perte de recettes de fonctionnement et d’investissement. Le montant est estimé par l’AMF au plan national à près de 6 milliards d’euros en 2020, 2021 et 2022 (3,3 Md€ ont déjà été enregistrés sur les budgets 2020).

La hausse prévue en 2021 ne comblera pas la baisse de 2020

Malgré les difficultés rencontrées et le maintien de normes sanitaires contraignantes, les collectivités interrogées par l’Association des Maires de France souhaitent, dans une large majorité, soutenir la reprise et maintenir leurs prévisions d’investissements.
Les exécutifs locaux ont toutefois besoin de visibilité à moyen terme avant d’engager de nouveaux investissements. Les incertitudes fiscales, les inconnues liées à la prochaine campagne présidentielle ne vont pas inciter les collectivités locales à relancer immédiatement les investissements. Fait notable, en baisse de 14,5% entre 2019 et 2020, la hausse prévue en 2021 ne comblera pas la baisse de 2020.
Beaucoup d’entreprises dépendent largement de la commande publique (le BTP en particulier). Elles doivent actuellement faire face à une pénurie de main d’œuvre dans de nombreuses filières, et surtout à des difficultés d’approvisionnement de matières premières et de composants.
A quel prix et pour encore combien de temps ? Là réside toute la question..

Méthodologie

L’ étude est le fruit d’une collaboration entre l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité et la Banque des Territoires, une direction de la Caisse des Dépôts.
Les données sont extraites des comptes de gestion de l’année 2020, des communes et des intercommunalités et de leurs CCAS et CIAS. Elles sont présentées en opérations réelles, après retraitement des opérations d’ordre qui ne correspondent à aucun flux financier entrant ou sortant.Les données chiffrées sont issues de la Direction générale des finances publiques (DGFIP), de la Direction générale des collectivités locales (DGCL) et du rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales

Yves QUEMENEUR (Avec Cyril KEMPFER)