Cathy Grosfilley, pouvez-vous présenter votre association, date de fondation, historique ?
A l’origine, il y a eu une famille de Montmorot qui accueillait chez eux des personne sans abri. Par la suite, ils ont créé un centre d’hébergement : l’Escale, qui a existé jusqu’en 2009. Leur procurer un gite ne leur paraissant pas suffisant ils ont acheté un terrain en zone industrielle où ils ont monté un marabout (tente de l’armée). Une entreprise d’insertion a été créée dont la fonction était de récupérer du verre, du carton et du papier. Cette activité est toujours le cœur de métier de notre association.
Toute cette collecte se fait sur le bassin lédonien avec une incursion sur St Amour. Tout repart dans les filières de recyclage après avoir été traité dans nos presses. C’est donc la filière collecte. Dans un second temps, un magasin a été installé pour vendre les objets collectés dans 6 déchèteries du bassin, plus les objets que les gens apportent directement dan nos locaux. Nous effectuons également des débarras de maisons. Tous les objets sont triés et ce qui n’est pas vendable repart en recyclage dans des bennes comme le font les déchèteries. Sachant que l’objectif est de donner une seconde vie aux objets, nous avons un petit atelier de test où tout le petit électroménager est testé. La friperie fonctionne sur les mêmes bases.
Vous faites parti de l’ESS, quelles sont les valeurs que vous défendez ?
Outre les valeurs défendues par l’ESS, nous sommes chantier d’insertion, nous prenons les gens les plus éloignés de l’emploi. En fait tout le monde peut arriver chez nous, nous prenons les gens comme ils arrivent à l’instant T sans s’occuper de leur passif. A partir du moment où la personne peut s’intégrer dans nos équipes, on essaie. Très peu de gens partent en cours de parcours. L’important est que tout le monde se sentent bien ici et nous donnent leur confiance. On a la chance d’avoir le temps de faire du bon travail. On fait beaucoup de formations en interne, comme des cours de français en les orientant vers des partenaires. On finance des permis de conduire en les aidant à passer leur code, une fois celui-ci acquis, on prend en charge 25 h de conduite. Comme on a des postes de chauffeur, cela nous rend aussi service.
Nous sommes un peu une maison où les portes sont toujours ouvertes. On se rend compte que les gens ont perdu confiance en beaucoup de choses, en eux, en la société, la justice…. Le déclic est fait au moment ou celle-ci est rétablie. Cela ne marche pas à tous les coups, tout dépend des profils, on s’aperçoit que la langue est souvent un frein.
Quel est le rôle social de votre association ?
Les gens souvent ne voient en Oasis qu’un dépôt de marchandises, en fait le cœur de notre métier, ce sont les gens, et les accompagner vers un retour à l’emploi qui est le premier pas vers une vie meilleure. Il faut savoir que contrairement aux Emmaüs par exemple qui sont des compagnons où les gens sont logés, nourris, et sont payés au pécule et ne cotisent pas, chez nous ce sont des contrats de travail qui permettent d’ouvrir des droits. Nous avons des aides de l’état comme tout un chacun pour les contrats d’insertion, pour le reste, c’est notre travail qui finance tout. Sur certains projets comme St Amour, nous avons des subventions d’investissement qui restent donc ponctuelles.
Oasis fait partie d’une autre association qui s’appelle Archipel qui est un groupement des chantiers d’insertion du bassin lédonien qui se sont mis ensemble pour mutualiser différentes choses. Par exemple, on s’aperçoit que pour un certain public, les contrats de 20 h ne sont pas adaptés, Archipel embauche une vingtaine de personnes sur des contrats de sept heures avec l’aide du département et ce pour des gens encore plus éloignés de l’emploi. L’objectif est de reprendre ce public avec des contrats d’insertion par la suite. Un accompagnement sur mesure est proposé grâce au « facilitateur » qui opère un rôle d’interface entre les différents acteurs qui accompagne les chercheurs d’emploi.
Y-a-t-il une clientèle type, est-elle différente entre la friperie et le magasin de la zone industrielle ? Les difficultés économiques ont-elles modifié le profil ?
La clientèle se compose de un tiers de brocanteurs, un tiers de personnes dans le besoin, un tiers de gens qui sont pro recyclage, ou hyper bricoleurs et qui ont envie de retaper un meuble par exemple. Il n’y a plus de honte à fréquenter nos magasins, cela devient « tendance ». Au contraire beaucoup aiment se vanter d’avoir fait une bonne affaire et d’avoir fait un geste écologique. 36% des Français ont acheté du seconde main en 2021. Les consommateurs évoquent trois raisons d’acheter de la seconde main, faire acte citoyen, écologique et solidaire. il est certain que les difficultés économiques favorisent également ce genre d’actions.
Les prix bas sont expliqués en partie par le fait que pour nous, la matière doit toujours être en mouvement, car cela génère du travail. Il faut que ça bouge tout le temps et nous préférons pratiquer des prix très bas que de garder de la marchandise que nous ne pourrions pas de toute façon stocker par manque de place. Et puis, les gens nous font confiance en sachant que nous pratiquons des prix au plus juste, n’étant pas une entreprise marchande comme les autres.
Vous êtes en premier lieu une entreprise d’insertion, avez vous des chiffres sur cette réinsertion ?
Nous avons un effectif de 62 personnes dont 52 en insertion. 5 encadrants techniques, 2 accompagnatrices socio-professionnelles, une directrice et une comptabilité R.H. Il y a aussi une dizaine de bénévoles. Les contrats d’insertion démarrent au minimum à 20 h jusqu’à 34 h par semaine. Ces contrats sont d’une durée maximum de 20 mois. De belles histoires et de beaux parcours ont permis 39% de sorties dynamiques (personnes ayant retrouvé un emploi ou une formation) en 2021 contre 35% en 2020. Il faut pour cela que les personnes rentrent dans les critères de l’insertion, critères sociaux, de revenu, de santé… Soit toutes les personnes éloignées des filières de l’emploi classique.
Un exemple parmi tant d’autres de parcours réussi est celui de Christine, qui, est arrivée ici sans savoir ce qu’elle voulait réellement faire. On avait besoin d un chauffeur, aujourd’hui après avoir fait un stage d’immersion aux ambulances Dupuy, elle est en formation d’ambulancière à Lyon. Elle adorait conduire et avait un côté très social. Le dernier en date est Aurélien parti travailler chez SKF comme chauffeur. Beaucoup d’autres personnes sont parties vers d’autres emplois et il y a aussi celles que nous avons aidé à stabiliser leur situation, même si aujourd’hui, il reste encore des problématiques à lever.
Votre association repose beaucoup sur les dons, les difficultés économiques ont-elles réduites ces dons ?
Nous avons la chance de travailler dans un secteur « tendance » de plus en plus plébiscité par les jeunes et ou les difficultés économiques accentuent ce mouvement, mais nous ne vivons que de dons, et si pour l’instant nous ne sentons pas de baisse dans les apports, cela peut survenir.
On le ressent déjà sur les débarras de maison. Avant, les gens nous confiaient la totalité du contenu de la maison alors que maintenant, il semblerait que les objets de valeur sont vendus avant par des vides maisons ou via les petites annonces par exemple. Nous ne sommes pas inquiets sur le volume mais par la qualité des objets déposés.
La solution est peut-être de nous faire mieux connaître. La presse et les réseaux sociaux y participent, mais au delà de ça, nous faisons des actions spécifiques comme nos deux brocantes au centre ville, des ventes à thème dans nos locaux, de livres, de tableaux, de vinyles….
Nous organisons également une vente de noël début décembre avec des jouets qui sont mis de côté toute l’année pour cet événement. On fait aussi une foire aux jeux de société. Toutes sortes d’actions qui peuvent générer un nouveau public d’acheteurs et de donateurs.
Quels sont vos projets d’avenir ?
Le magasin hors la friperie n’est ouvert que le mercredi et le samedi, il serait envisagé de faire un sondage auprès de nos clients pour connaître les besoins. Nous venons d’acquérir un nouveau bâtiment rue Georges Trouillot, ce bâtiment servira de lieu de stockage tampon pour la matière mais aussi de lieu de stockage pour les objets que nous proposons lors de nos brocantes exceptionnelles. Une boutique est ouverte sur St Amour depuis le 22 octobre car c’est une zone blanche en terme d’insertion, donc il y avait un besoin surtout pour un public féminin avec donc 5 personnes en insertion et 1 encadrant technique, ce projet couvait depuis 2 ans, la difficulté étant de trouver un local assez grand.
Nous sommes en train de renouveler notre flotte de camions. Nous avons également un projet en cours que nous ne voulons pas divulguer maintenant et qui sera présenté en temps utile. J’en profite pour remercier tous les habitants du pays lédonien pour leurs dons tant qu’à la friperie, qu’au bric ou en déchèterie, car sans eux, Oasis ne pourtait pas vivre et aider tant de personnes à se remettre debout.
Quelques chiffres annuels:
-677 t de carton, 20 t de papier, 60 t de plastique
-350 t d’objets divers collectés
-300 entreprises collectée
-250 t d’objets qui retrouvent une seconde vie
-84 personnes accompagnées en 2021
-39% de sorties dynamiques
https://www.facebook.com/Oasis-bri-à-brac-440806006466614
E-mail : assoc.oasis@wanadoo.fr