Laurence Musy, vous avez vécu une expérience de mort imminente à la suite d’un grave accident de ski. Pouvez-vous nous la décrire ?
En effet, cette expérience a fait suite à une chute en ski alpin à grande vitesse. J’avais alors 22 ans. Après plusieurs rebonds, la glissade s’est terminée contre un arbre en bordure de piste. Je suis sortie de mon corps spontanément au moment de l’impact, j’ai pu observer et entendre mes camarades pisteurs secouristes. J’ai été soulagée de ne plus ressentir de douleur, intriguée par ma vision de la forêt depuis le sommet de l’arbre qui m’avait arrêtée. L’agitation autour de mon corps, les précautions prises, les paroles échangées m’ont fait comprendre que c’était très grave mais cette information ne m’a absolument pas perturbée.
Pour vous qui l’avez appréhendé, à quoi ressemble « l’au-delà » ?
Le phénomène des EMI est étudié depuis plus de 30 ans, intéresse autant les scientifiques, médecins que vous et moi car il touche un questionnement aussi universel que fondamental : la vie elle-même, son début, sa fin, son après…
Il est fréquent puisqu’il concerne annuellement environ 5 % de la population française soit près de 3,5 millions de personnes. Néanmoins, toutes ne vont pas l’évoquer publiquement car le tabou autour du sujet est encore puissant. J’ai perçu de cet ailleurs, terme que je préfère à l’au-delà, après être passée dans un tunnel sombre et bruyant, en mouvement, puis en ressortant à l’autre extrémité une lumière intense très douce, une paix, un calme merveilleux. Aucune tension, aucune souffrance, un prodigieux soulagement après l’accident. Tout était douceur, sérénité. Les mots sont trop restrictifs, limitants, pour exprimer cette béatitude absolue !
L’avis est unanime : tous ceux qui l’ont vécu sont transformés en profondeur, définitivement. Peut-être parce que nous avons vécu l’un des plus grands mystères qui existe. Je perçois la naissance et la mort comme deux étapes de la vie, qui s’étire hors du temps. La conscience demeure, permanente. Ainsi toucher du doigt l’éternité et l’infini est aussi prodigieux que jubilatoire ! Si Albert Einstein a déjà étudié ce phénomène dès 1915 à travers sa théorie de la relativité générale, ce sera plus tardivement la physique quantique qui s’attellera à percevoir autrement l’espace et le temps. De fait, par la durée de mon expérience (4 mois de coma), j’habite depuis surtout le présent. Ici et maintenant.
Avec la perception plus affinée dont vous avez bénéficié grâce à cette expérience, quel regard portez-vous sur l’évolution de notre société ? Quels conseils donneriez-vous pour retrouver davantage de paix, de recul, de lucidité et d’Amour dans notre vie ?
Les crises actuelles que nous vivons constituent à mon sens une prodigieuse opportunité pour changer de regard, sur la mort en particulier, pour dépasser les tabous, s’extraire des réflexes de peurs, de repli sur soi. Nous avons besoin de remettre la mort au cœur de la vie. Prendre conscience que cette tranche de vie, entre notre naissance et notre mort, constitue une étape d’apprentissage, de progression, d’élévation.
Ainsi j’ai développé une acuité très fine pour vivre chaque instant, qui peut être le dernier que je sois amenée à vivre. Le temps est donc infiniment précieux ! Plus de ruminations du passé, ni de spéculations sur l’avenir. Ces dimensions sont illusoires, hypothétiques. Plus question de gâcher une journée, une heure… Sur internet ou ailleurs.
Finalement à en lire vos conclusions, peut-on croire sereinement à la vie éternelle, à la repentance, à la résilience, et ainsi parvenir à dépasser certaines de nos angoisses existentielles ?
En habitant chaque instant en conscience, nous pouvons accueillir la joie, l’amour, l’acceptation de ce qui est. Ressentir intensément ce qui se passe à l’intérieur de nous dans la bienveillance, la compassion. Faire taire l’agitation de notre mental, où passé et futur génèrent bien des vagues… En découle l’acceptation de l’autre dans sa singularité. Dans les orages de nos émotions, les drames et noirceurs de nos vies, l’ancrage dans le présent nous permet de faire souffler très vite le vent qui ramènera le ciel limpide et clair, le soleil rayonnant, la joie d’être. Tout simplement. Cette présence à l’instant nous ouvre les portes de l’éternité, par l’expérience concrète du quotidien. Une posture presque méditative toutefois complexe à mettre en œuvre dans nos vies occidentales.
Avez-vous un dernier message à faire passer à nos lecteurs ?
Par les limitations de mouvements imposées actuellement, notre rapport à l’espace est bousculé. Le temps s’écoule autrement. Les confinements nous ont obligés à tourner notre regard de l’extérieur vers l’intérieur. Avec parfois une forme d’inconfort car nous n’y étions guère habitués. Toutefois ce changement de perspective, ce nouveau regard nous révèlent bien des trésors. Chemin d’introspection qui permet d’accueillir le silence, d’aller en profondeur à la rencontre de soi. Mais aussi toucher du doigt le vivant sous toutes ses formes : le vent, le chant des oiseaux, la lumière d’un coucher de soleil. Jusqu’à, peut-être, cette harmonie ultime de se sentir Un avec le Tout. Nous construisons aujourd’hui ce que sera demain. Je terminerai mon propos par une célèbre citation du Mahatma Gandhi : « Changez en vous ce que vous voulez changer dans le monde ».
Contact et informations via le site de l’auteur : https://www.laurence-musy.fr