Harriet de Vere, vous venez de publier, via les éditions Tonnerre de l’Est, un livre consacré à l’éminent vigneron de Pupillin : Pierre Overnoy. Pourquoi et comment vous est venue cette idée ?
Pierre est un homme très bienveillant, généreux, et amusant ! C’est surtout un vigneron talentueux. Il est impossible de le rencontrer sans vouloir le découvrir davantage, l’écouter parler…
Comme nous l’évoquons dans le livre, à notre avis, ce personnage et son histoire merveilleuse ont été dissimulés, ou noyés, dans les années récentes par la popularité croissant du dit “vin naturel”, et surtout avec l’ascension stratosphérique des réseaux sociaux. Pour nous, il était important de défaire cela, de rappeler qu’il s’agit ici d’une vraie personne, d’un vrai travail, d’une démarche singulière qui mérite d’être racontée, au lieu d’un simple nom ou d’une étiquette sur Instagram.
Vous décrivez le personnage comme étant devenu en quelques années (et malgré lui) « une icône du vin, notamment parmi les esprits hallucinés des réseaux sociaux ». Comment expliquez-vous une pareille destinée ?
Les vins qui sont entrepris par Pierre figurent parmi les vins plus convoités du monde, même si c’est Emmanuel Houillon qui est chargé de produire les vins au domaine depuis quelques années maintenant.
Or tout ce qui est très convoité n’est disponible que dans de petites quantités.
Mais ce vin “naturel” (j’utilise des guillemets car ce terme signifie beaucoup de choses différentes pour beaucoup de gens différents…) est maintenant devenu très tendance. Comme résultat, le vin, et par extension le nom, ont gagné beaucoup de terrain, presque monétisé, avec des gens qui se postent en selfie avec des bouteilles de la Maison Pierre Overnoy de la même façon que l’on ferait avec un sac à main designer.
Du coup, “Pierre Overnoy” est devenu une personnalité culte (peut-être encore plus vu qu’il n’a aucune présence sur ces réseaux, sans qu’il ait son mot à dire sur ces plate-formes, et sans aucun rôle actif à son sujet).
C’est un homme très discret, modeste, même timide, comme Manu l’est aussi. Une attitude en total décalage avec la réalité de notre époque.
Qu’est-ce pour vous que « la vérité du geste » ?
Finalement, il s’agit d’honnêteté et d’intégrité.
Qu’il fasse du vin (ou du pain, ou du miel… ), Pierre le fait à sa façon car il est convaincu qu’il faut le faire comme ça. Il est profondément attaché à son environnement, la terre et les sols, les gens, et ceux-ci sont au cœur de tout ce qu’il fait.
Rien n’est pour la galerie, rien n’est superflu, pas d’excès, mais un effort constant de faire, tout simplement, du bon vin et de cultiver de vignes saines dans du sol sain.
Pour moi, c’est ça la vérité et la beauté du geste…
Quel est votre meilleur souvenir vécu lors de la réalisation de ce livre ?
Sans doute l’opportunité de passer du temps avec Pierre et sa famille élargie – ce qui compte souvent les habitants de Pupillin et de plus loin !
La gentillesse et la générosité que nous avons rencontrées, les rires abondants (avec Pierre, une blague n’est jamais loin !) et bien sûr le vin sublime.
Mais il y a un après-midi qui se distingue dans ma mémoire : une belle journée de mai très ensoleillée, à Chaux d’Eau, un espèce de cabanon près de chez Pierre qui est devenu un sorte de club-house pour lui, ses potes, sa famille, avec un joli potager, des ruches, etc…
Nous apprenions à faire du pain avec Pierre et on nous a offert un déjeuner impromptu, avec des biftecks cuits dans le four à pain. Au menu, se sont greffés des amis qui passaient ici et là, et beaucoup, beaucoup de bouteilles de vin, dont de très rares ou vieilles…
Mais j’étais tout juste enceinte, ce fut une réelle torture de regarder tout ce vin que je ne pouvais pas déguster… Qui plus est, il n’y avait pas d’eau au robinet !
Soudain, je me suis rendue compte que Pierre n’était plus là. Il est revenu un quart d’heure après avec une caisse de bocaux pleins d’eau, qu’il a mise devant moi. Il était monté dans sa voiture et était allé chercher de l’eau chez lui, sans rien dire.
Une attention particulièrement délicate dont je souviendrai toujours.
Question probablement naïve, mais si le producteur comme le consommateur sont gagnants à privilégier une agriculture entièrement écologique, pourquoi si peu de mesures ont été entreprises en ce sens depuis tant d’années par les gouvernements successifs ?
Les grands acteurs de l’industrie agro-alimentaire et leur lobbying exercent toujours une emprise trop importante sur l’échelle du pouvoir. Tant que ce sera le cas, il est peu probable que nous connaissions des changements majeurs au niveau législatif…
Cela dit, il a eu des évolutions positives : il est de plus en plus facile de trouver des produits biologiques en France, dans les supermarchés et au delà, ce qui est encourageant.
Je remarque que c’est beaucoup plus le cas en France qu’en Angleterre, par exemple. Le “biologique” n’est plus le seul domaine des magasins diététiques ou spécialisés, il n’a plus cette image “hippie”…
Heureusement, il a eu aussi un gros changement dans l’industrie du vin vers la viticulture biologique, y compris pour le vin produit en masse.
Selon vous, que représente aujourd’hui le vin dans notre société ?
Je pense que le vin représente toujours la convivialité, le partage, la détente et le plaisir autour de la table, avec des amis, des proches…
Il a aussi une face plus sombre… que je vous invite à découvrir en lisant le livre…
Pierre Overnoy ! par Harriet et Marcus de Vere
Éditions Tonnerre de l’Est. 29 euros.
Contact et commande par mail : tonnerredelest@sfr.fr
Site internet : http://www.editions-tonnerre-de-l-est.com