Jura. L’invité de la semaine : Pascal Chenier

Rencontre avec le président de l'association "Protège ton pays", qui n'a pas sa langue dans sa poche et maitrise fort bien son sujet.

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Pascal Chenier.

Pascal Chenier, vous tirez actuellement la sonnette d’alarme à propos de la loi APER. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Quatre lettres pour Accélération de la Production des Énergies Renouvelables. Elle promeut principalement l’éolien et le solaire photovoltaïque. Elle attribue à chaque commune de France la prérogative de planifier, sur leur territoire, un zonage dédié au même titre qu’une ZI ou ZAC ou d’une zone constructible etc… Sur les zones désignées, les promoteurs bénéficieront de facilités procédurales, telle que la Reconnaissance d’un Impératif d’Intérêt Public Majeur, qui condamne de fait tout recours. La loi impose et oblige d’établir cette planification en concertation avec sa population d’ici à décembre 2023.

Quelles en sont les motivations ?

En premier lieu, répondre à des objectifs dictés par l’Europe au nom de la lutte contre le réchauffement climatique pour lesquels la France serait en retard. En second lieu, acquérir la « Souveraineté Énergétique » nationale.
Cette notion, très subjective, nécessiterait à elle-seule un débat plus profond, mais prise en tant que telle, elle est déjà acquise. La France produit plus d’électricité qu’elle n’en consomme et a repris sa place de 1er pays exportateur Européen. (En moyenne 467 TWh/an consommés pour 510 TWh/an produits). Sa production est décarbonée à 92% ce qui condamne de facto la première motivation au regard d’autres pays, tels l’Allemagne dont la production électrique est très polluante mais qui ne souffre d’aucun retard. Il semble bon de rappeler que par cette loi, l’exécutif envisageait d’imposer aux communes une cartographie. A partir de cette planification établie par les services d’Etat, les promoteurs auraient eu le champ libre. Fort heureusement les parlementaires ne l’ont pas permis.

Qu’en est-il concrètement ?

C’est en fonction du besoin futur qu’il faut planifier, mais en prenant en compte l’ensemble des moyens de production. Aujourd’hui, seules les communes ont le pouvoir de planifier souverainement et en totale indépendance leur territoire. Qu’elles veuillent ou non le faire, les municipalités doivent décider en concertation avec leur population. Or, les planifications doivent être réalisées pour décembre 2023 ! Elles seront présentées à l’EPCI de rattachement, dont le rôle est limité à émettre un avis, avant d’être transmises au Référent Préfectoral qui a la charge de transmettre l’ensemble des propositions des communes du département au CRE (Comité Régional de l’Énergie). Lequel estimera si les objectifs sont atteints ou non et validera ou invalidera.

Quels sont ces objectifs ?

C’est là que le bât blesse. Ils ne sont pas définis clairement et précisément à l’échelle communale. A l’échelon national, ils sont déclinés par une multiplication par 10 du photovoltaïque et par 2 de l’éolien terrestre par rapport à la puissance déjà installée pour atteindre respectivement 100 GW et 40 GW à l’horizon 2050.
A l’échelon régional, ils le sont sous la forme d’un slogan « Devenir un territoire à énergie positive » en précisant que la région doit produire plus que ce qu’elle ne consomme sans autre option que le 100% renouvelable. C’est une ineptie qui vient en totale contradiction avec la politique énergétique nationale ouverte à un plus large spectre de moyens de production existants et à venir. Le nucléaire contribue à 80% de nos besoins. Pour ou contre c’est une réalité pour un temps long. En plus de l’évolution de cette filière, l’éolien maritime va intervenir massivement dans la production.

Comment peut-on justifier d’un tel écart ?

Très simplement à partir des chiffres de production et de consommation officiels de chaque niveau territorial et en les confrontant aux projections futuristes officielles. Les données de bases sont obtenues très facilement à partir des bilans et projections de RTE au niveau national et d’ENEDIS à partir du site « Bilan de mon territoire » pour les échelons Région, Département, EPCI, Communes.
A partir de ces réalités, nous avons développé une hypothèse 100% photovoltaïque, moyen accessible pour toutes les communes, qui, d’après des données professionnelles, théorise une moyenne de 0,23 MWh/an/m2.
La réalité est assez époustouflante. Nous déterminons ainsi, que les besoins sont comblés au niveau régional si chaque commune planifie entre 1 000 et 2 500 m² et non des hectares.
La même méthode détermine que les objectifs théoriques des communes ramenés au niveau de leurs EPCI, à partir des bilans 2022 sont pour : CC Rives de Saône entre 636 et 1 580 m², CA du Grand Dole entre 1 440 et 3 394 m², CC Plaine Jurassienne entre 400 et 993 m², CC Jura Nord entre 332 et 823 m², CC Auxonne Pontailler Val de Saône entre 747 et 1 855 m², CC Val d’Amour entre 416 et 1 038 m², entre autres…

Pourquoi pas d’éolien dans le scénario ?

Il est plus écarté par les faits que par les choix. Avec sa pléiade de nuisances (dont aucune n’est résolue par la loi APER qui veut, au contraire, les ignorer), il artificialise et déforeste systématiquement de nouvelles surfaces. Cette artificialisation en profondeur impacte très négativement les milieux de vie ainsi que les nappes phréatiques et donc la ressource d’eau douce. La région est faiblement ventée. Dans ce cas précis, la loi APER prévoit des incitations financières, à partir de la richesse publique, pour compenser les pertes d’exploitations. « Plantez du Maïs en plein désert, vous serez dédommagés ! ». Localement l’éolien s’oppose également à l’aviation militaire et civile qui dénonce une mise en danger des personnes et des biens survolés. Enfin, il est profondément rejeté par une grande partie de la population.

Finalement, quelles sont vos craintes ?

On a rendu l’application de la loi très compliquée pour les communes. S’il ne se passe rien, tout laisse à penser qu’elles baisseront les bras. Le risque est alors de revenir à la situation initiale, c’est-à-dire imposer par le haut avec des territoires complètement ouverts aux promoteurs et lobbys. Nous allons devoir alors compenser une gabegie financière avec une influence très forte sur le pouvoir d’achat mais également sur le devenir de certaines entreprises. Quant aux impacts environnementaux, ils seront considérables et démultipliés par un développement débridé et inutile.

Nous nous tenons à disposition de celles et ceux qui auraient besoin de plus d’explications. Toutes nos données sont consultables sur notre site :  www.protegetonpays.com