Les ides de mars (saison 2)

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Rappel : le 7 mars 2023, l’Allemagne refusait au conseil de l’Union européenne la décision prise en juin 2022 qui décidait la fin des moteurs thermiques pour 2035. Scandale et émoi des écologistes. Mais le 24 mars, les Allemands après leur coup de force reviennent à la table des négociations et jouent le second round. On pourra continuer d’acheter des voitures thermiques, à condition qu’elles soient alimentées par des carburants de synthèse neutres en carbone. Malins les Allemands !

Plus personne ne l’ignore, même minoré du recyclage, le bilan carbone du cycle de fabrication d’une voiture électrique est bien davantage péjoratif pour l’environnement que celui d’une thermique au motif de la sur-extraction minière, aluminium, cobalt, cuivre, lithium qu’elle nécessite. Pour mieux respirer chez nous, on délocalise notre pollution chez les autres…
Or les Allemands veulent absolument faire entendre une alternative, celle des carburants synthétiques appelés synthifuels. L’idée est de fabriquer le carburant plutôt que de l’extraire. On va récupérer des molécules de carbone et d’hydrogène que l’on assemble.
Pourtant, elles ne manquent pas !
D’abord le charbon. En 1945, 92% des carburants alimentant la machine de guerre allemande étaient d’origine synthétique, tirés du charbon et d’excellente qualité avec très peu de résidus. Ils peuvent aussi être issus du gaz naturel, biométhane, ou même par la gazéification des déchets biologiques (filière BTL) puis liquéfaction. Le hic est que ces filières sont couteuses, peu rentables, consommatrices d’énergie et productrices du CO2. Après la guerre, avec l’abondance du pétrole, les carburants synthétiques devenaient sans intérêt. Sauf pour l’Afrique du Sud qui a conservé cette filière avec Secunda propriété du géant Sasol, la plus grande usine au monde de conversion de charbon en carburant liquide. Mais à elle seule, on prétend qu’elle émet plus de CO2 que le Portugal ! D’où l’autre grande idée : finalement, ce CO2, pourquoi ne pas le réemployer ? C’est le principe des e-carburants, ou électro carburants développés grâce à l’utilisation de la technologie « Power-to-X » à partir de l’eau. Par électrolyse, utilisant l’électricité issue de sources renouvelables ou nucléaires, l’eau produit de l’hydrogène. Une fois recombiné au CO2 prélevé dans l’environnement, ce gaz est transformé en carburant synthétique.

L’un des premiers constructeurs à investir dans cette voie a été Audi avec une installation pilote pour la production d’e-diesel à Laufenburg (Suisse). L’installation peut produire près de 400 000 litres par an. Porsche a lancé un projet pilote avec Siemens Energy pour construire une usine au Chili, qui devrait produire jusqu’à 550 millions de litres de carburant d’ici 2026.

On comprend donc mieux la rébellion allemande contre la totale suppression des voitures thermiques d’ici 2035. Désormais admis, l’objectif n’est plus de supprimer le CO2, mais d’équilibrer son rejet par sa réutilisation. Avec à la clé, la coexistence électrique et thermique. Un autre avantage : aucune transformation des moteurs ni du réseau de distribution.
Vous pourrez donc conserver vos voitures. Et, en même temps, continuer à respirer…