C’est une année, certes modeste, mais moins pire que les deux précédentes (marquées par une sécheresse encore plus carabinée) : le cru de lactaires 2021 est venu cet automne sur le tard, surtout à partir de la mi-octobre. Trop tard, bien trop tard au vu de la pousse qui suit un gradient nord-sud : apparaissant au nord de l’Europe, les précieux champignons migrent au fil des mois vers le Portugal et l’Espagne, pays friands de cette denrée méprisée par les fins palais français et franc-comtois.
Autant dire qu’entre des champignons ramassés et consommés en Espagne et ceux ramassés dans le Jura, la lutte fût un peu inégale. Selon Michel Bourgeois, président de l’association des communes forestières (COFOR 39), cela s’est répercuté sur les cours : de 8 € le kilo en septembre, les cueilleurs légaux ont du se contenter d’environ 3 à 4 € le kilo fin octobre. Une baisse compensée par l’incroyable prolixité de mère Nature : « Je ne revenais pas de l’importance de la pousse fin octobre » a confié Michel Bourgeois. Conséquence logique : la centaine de cueilleurs jurassiens (accrédités via leur mairie) avaient semblent t-il le sourire en empochant plus de 50 ou 60 € pour leur journée dans les bois. Pour beaucoup, des retraités, des chasseurs ou encore des habitués des forêts (cueilleurs d’autres champignons en particulier).
« Très très peu de cueilleurs illégaux »
Cette année, c’est Cévennes Truffes, implantée au carrefour du Pont de Gratteroche (Ardon) qui achetait par cagettes entières les précieux fruits de l’automne, la Forestière du champignon ayant jeté l’éponge (lire encadré). L’évènement le plus remarquable de la saison qui s’est achevée avec l’arrivée des premiers gels tient dans le calme et la relative sérénité revenus dans les bois. La cueillette illégale pratiquée « à la sauvage » par des ressortissants étrangers venus pour la plupart de Roumanie s’est tarie cette année : Michel Bourgeois fait état de seulement quelques petites centaines d’illégaux cette année, qui semblent d’ailleurs avoir eu davantage maille à partir avec la gendarmerie.
« Il y a eu très très peu de cueilleurs étrangers cette année, avec seulement deux campements discrets sur Poligny » confirme André Jourd’hui, adjoint aux forêts de cette commune. Selon lui, le trafic s’est aussi adapté pour devenir moins ostensible : « au début, un semi-remorque collectait les champignons près d’Intermarché (carrefour RD 1083), puis se sachant surveillés les camions ont chargé ailleurs. Enfin ils en sont venus à louer des camions frigorifiques français, plus difficiles à intercepter »…
Même s’il n’est un secret pour personne que les aires du Jura et du Poulet de Bresse sur l’A39 servent de plaques tournantes du trafic. Au final, Michel Bourgeois estime que « le système de cartes est bénéfique », il sera donc reconduit l’an prochain… En espérant que le ciel daigne arroser davantage nos forêts.
Et la répression ?
« Une mafia » : pour Guy Belin, gérant de La Forestière du Champignon, le juteux trafic découlant de la cueillette illégale de champignons relève de tout sauf de l’amateurisme : d’après lui, les 40 ou 50 camionnettes qui opèrent en général dans le Jura ont commencé leur périple dans les pays nordiques ou de l’Est, avant de le poursuivre vers le sud de l’Europe. « Ils suivent la pousse » explique t-il, ce qui rend cette main d’œuvre particulièrement mobile difficile à intercepter.
« La seule solution consisterait à immobiliser ces camionnettes en posant des sabots. Écraser les champignons cueillis ne sert à rien » explique t-il, fort de ses 37 années d’expérience dans la collecte des champignons. Et une fois chargés dans des semi-remorques, les papiers sont en règle avec des factures émises depuis la Roumanie.
Résultat des courses : l’entreprise basée dans les Vosges, n’est pas venue dans le Jura cette année. Pas assez rentable selon elle.