Le Jura, terre de contestation

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Ils étaient environ 700 à Dole vendredi dernier et seront probablement encore plus nombreux ce samedi. Un peu partout dans le département, de plus en plus de mécontents se rassemblent afin de manifester leur colère contre la hausse des prix du carburant, et la baisse du pouvoir d’achat.

S’attendait-il en créant ce groupe Facebook, à se voir contacté par les télévisions et les radios nationales ?

Probablement pas. Toujours est-il que voilà le Dolois Fabrice Schlegel, initiateur du groupe Facebook « de l’essence de la contestation », propulsé sous les feux des principaux projecteurs médiatiques du pays.

Avec le franc-parler et le sens de la formule qui le caractérisent, (« Eh Manu, la carotte c’est chez le primeur qu’elle doit se trouver, et pas ailleurs … si tu vois ce que je veux dire » dit-il), Fabrice a su catalyser une grogne partagée par la « majorité silencieuse » des Dolois et Grandolois.

Vendredi matin, ils étaient donc pas moins de 700 à s’élancer depuis l’avenue de Lahr pour boucler l’itinéraire de 10 kilomètres qui avait été prédéfini en concertation avec les forces de l’ordre.

« Dans notre pays, nous ne manquons pas de moyens, nous manquons d’intelligence quant à la gestion de l’argent public »

Selon la police, on a dénombré jusqu’à 6 kilomètres de file de véhicules (500 voitures et 60 motos) roulant au pas, beaucoup avec la carotte à la main…

L’occasion aussi d’entendre affluer les témoignages où les mots « dégoût », « mépris » et « exaspération » revenaient très souvent.

Entouré de volontaires motivés, le trublion des réseaux sociaux a parfaitement réussi son coup, la manifestation s’étant déroulée sans aucun débordement.

A l’issue de la manifestation, une petite délégation a été reçue à la sous-préfecture, où Nicolas Ventre a expliqué que la politique fiscale touchant le carburant était vouée à « faire réduire la consommation dans un but environnemental ».

Certes, mais cela ne règle pas le nombreux problèmes de mobilité rencontrés dans les différents villages jurassiens…

A suivre.

Entre quatre yeux…

Fabrice Schlegel, tu es à l’initiative du groupe facebook « de l’essence de la contestation ». Pourquoi et comment t’est venue cette idée ?

L’idée n’en est pas une, il s’agit plutôt d’un constat. Et chacun d’entre nous est amené à le faire, lorsqu’il fait le plein de son véhicule. Une anecdote personnelle en particulier m’a marqué, je me suis rendu compte que cette augmentation n’était pas tenable pour la majorité d’entre nous. De plus, les plus durement impactés sont dans ce que l’on appelle l’incapacité programmée, on leur fait croire que leurs avis ne comptent pas.

Faisant partie des plus chanceux, je me devais de me mettre au service de cette cause qui en cache bien d’autres. Plutot libéral à la base, je n’en demeure pas moins sensible à la notion de justice sociale.

Or, force est de constater que nous nous trouvons désormais dans l’injustice sociale.

Tu es parvenu à rassembler plus de 700 manifestants vendredi dernier à Dole ! Une réaction à cet incontestable succès populaire que bon nombre de formations politiques rêveraient de porter à leur crédit ?

Je repose la question, doit-on se réjouir ou se lamenter d’une telle mobilisation ? Oui ce fut un succès populaire énorme, comme aucune organisation syndicale ou politique n’est en capacité de le réaliser aujourd’hui.

Je suis d’ailleurs très étonné que les partis qui disent défendre le peuple à longueur d’année, ne fassent rien voire même invitent à l’inaction…

La population prend donc son destin en main et le fait très bien. Notre société souffre d’un malaise profond qui va bien au-delà du prix du carburant. Nos politiques manquent de vision, ils ne savent que légiférer ou taxer. La gestion de l’argent public est abracadabrantesque.

Dans notre pays, nous ne manquons pas de moyens, nous manquons d’intelligence quant à la gestion de l’argent public. Toujours plus d’impôts, de taxes et de moins en moins de protection pour la masse. Où va notre argent ? Est-ce que l’on est mieux soignés, mieux éduqués, mieux protégés ? Non.

La journée de samedi 17 novembre s’annonce déjà très tumultueuse ! Comment envisages-tu la suite des événements ?

Le 17 novembre s’annonce énorme, ce sera une mobilisation qui fera date. Mais ce serait une erreur de croire que c’est une finalité. D’autant que certains vont laisser éclater leur colère, et je crains que ces images ne soient contre-productives. Il nous faut réfléchir à des moyens d’actions plus stratégiques.

Monsieur Macron, drapé dans ses convictions, ne va pas lâcher aussi facilement. Ce Monsieur, très intelligent par ailleurs, est coupé de la réalité. Mais doit-on lui en vouloir ? Fils de neurochirurgien, diplômé de Sciences Po et de l’Ena, banquier d’affaire, conseiller de Hollande, ministre puis président…. Que peut-il bien comprendre à la colère du peuple ? Après nous avoir invités à traverser la rue, va t-il nous inviter à manger de la brioche ?

Plus globalement, même si ton approche se veut apolitique, quelles solutions proposes-tu afin de sortir le pays du marasme dans lequel il semble irrémédiablement englué ?

Nous devons avoir une réflexion plus globale sur nos hommes politiques nationaux, car le problème vient d’eux et de leur manque de vision. Nous leur demandons de guider le navire, non pas de colmater les fuites avec des rustines. On a vraiment l’impression qu’ils gèrent au coup par coup, uniquement pour boucler les budgets.

Nos gouvernants devraient envisager la société de demain, mais ils ne pensent qu’à  »gagner les élections », pour occuper les palais de la république.

Allègre disait qu’il fallait dégraisser le mammouth, il est était loin du compte, car nous avons plutôt affaire à un troupeau !

Ce devrait être une évidence, même pour les collectivités ;  » on ne dépense pas plus, que ce que l’on gagne ». Quand vont-ils le comprendre ? Faudra t-il que le bon sens populaire prenne les commandes par les urnes ?