Jura. L’invité de la rédaction : Pierre Gresser

Des milliers d’heures de recherches, une dizaine d’ouvrages individuels à son actif, de très nombreux articles, une passion profonde pour la Franche-Comté au Moyen-Âge, rencontre avec le jurassien Pierre Gresser, chercheur et historien.

0
463
Le chercheur et historien Pierre Gresser © Pierre Gresser

Qu’est-ce qui vous a conduit à vous spécialiser dans l’étude de la Franche-Comté au Moyen-Âge, en particulier aux XIVe et XVe siècles, et comment avez-vous développé votre approche de recherche sur cette période ?

Pendant mes années à la faculté, j’étais influencé par mes professeurs d’histoire. Après avoir obtenu l’agrégation en 1968, j’ai décidé de me consacrer pleinement à cette période. Mon intérêt pour l’histoire de la Franche-Comté, ma terre natale où je réside toujours, a aussi joué un rôle déterminant.

Quand on se penche sur une époque, on découvre des spécificités propres à celle-ci, des éléments qu’on ne retrouve ni avant ni après. Et lorsque l’on souhaite faire des recherches en profondeur, on se spécialise car on ne peut pas tout faire. Mes recherches sur la Franche-Comté médiévale ne se limitent pas aux 5000 heures passées aux Archives départementales de Dijon. J’ai également effectué de nombreux dépouillements dans d’autres centres tels que Besançon, Paris et même en Suisse.

Au fil de mes recherches, je me suis imprégné de ce que pouvait être la vie aux XIVe et XVe siècles. Il est essentiel, quand on plonge dans le passé, de le faire avec une ouverture d’esprit, en laissant de côté les schémas contemporains, pour aborder l’époque étudiée avec la plus grande neutralité possible.

Parmi vos découvertes, quelles sont celles qui vont ont le plus marqué ?

Dans ma vie de chercheur, j’ai découvert deux documents exceptionnels. Le premier est un plan datant du XVe siècle, représentant l’emplacement d’une source salée à Tourmont, non exploitée. Il s’agit du seul plan médiéval retrouvé en Franche-Comté à ce jour. La seconde découverte, est celle d’un trait barré avec la légende : c’est le demi-pied pris au compas. Un renseignement précieux pour la métrologie du XVe siècle.

Dernièrement, vous avez écrit un nouvel ouvrage Les vins des ducs-comtes de Bourgogne dans le Vignoble jurassien à la fin du Moyen Age. Pourquoi ce thème que vous n’aviez jamais abordé auparavant ?

J’avais toujours eu l’intention d’écrire un livre sur la vigne et le vin en Franche-Comté médiévale, étant issu d’une famille de négociants en vin à Lons-le-Saunier : Les Grands Chais Rouget-de-Lisle.

Au fil des années, mes recherches m’ont permis de rassembler une grande quantité d’informations sur ce thème, notamment aux Archives à Dijon. C’était donc une suite logique de rédiger cet ouvrage, publié par Mêta Jura, que je remercie. Il est centré sur le vin du Vignoble jurassien, et je tiens à préciser que ce terme est un toponyme. Au sens ordinaire du mot, le vignoble est un droit planté de vignes. Pour les géographes, le Vignoble s’étend du nord d’Arbois jusqu’à Lons-le-Saunier.

Parmi tous les livres que j’ai écrit, celui-ci a une signification particulière pour moi, car il est le témoignage d’émotions très fortes, à l’égard de ceux à qui je dois presque tout. J’ai été honoré de recevoir en 2019 le prix du Centre d’histoire de la vigne et du vin à Beaune pour ce travail.

Après tant d’ouvrages, qu’ils soient individuels ou collectifs, et une carrière riche en découvertes et savoirs, envisagez vous de prendre votre retraite ?

Pour moi, écrire c’est vivre. Écrire est une passion. J’ai exploré de nombreux thèmes liés aux XIVe et XVe siècles en Franche-Comté, tels que les forêts, la pêche, le vignoble, le climat, la peste, et d’autres encore. Et mes recherches continuent. Actuellement, je travaille sur un nouveau livre consacré à la guerre au Moyen-Âge en Franche-Comté. Si j’étais amené à ne plus pouvoir écrire, ma vie n’aurait plus beaucoup d’intérêt.

En 2005, Pierre Gresser a reçu le grade de docteur honoris causa de l’Université de Neuchâtel.

 

B.B