Invectives

0
776
Gérard Bouvier.

Gérald Darmanin, notre ministre de l’Intérieur prétend que « la Nupes ne cherche qu’à bordéliser le pays ».
D’autres fustigent « 
le tohu-bohu qui envahit l’espace public ».
Ce n’est pas le lieu ici de cancaner sur le fond de ces allégations, mais attachons-nous plutôt à la forme.
Au XIIème siècle, le bordel est un diminutif tout en tendresse et complicité de
la borde, une petite maison à l’écart, une cabane où, la nuit venue, se passaient bien des choses et pire encore. Montaigne, en 1585, utilise le mot « bordels », entrant dans le vif du sujet, pour désigner ces lieux de coquineries devenus en son temps lucratifs.
De nos jours, le bordel n’est rien d’autre qu’une sorte de lupanar qui sert de maison close pour des pince-fesses (et beaucoup plus si affinités). Aménagé en bocson, c’est un clandé utilisé comme claque de la même façon qu’un gynécée tirerait partie d’un baisodrome.
La richesse des intitulés de ce lieu-dit montre le culte où l’on tient l’endroit. Sans parler de l’envers.
Quant au tohu-bohu ça n’est pas un assortiment de poissons crus au lait de coco de nos lointains territoires polynésiens.
Il découle d’une locution hébraïque le
tohû webohû qu’on retrouve dans la Genèse(I,2), une référence respectable. Voltaire, traduisant ce jour-là la Genèse, contre toute attente, l’a fait entrer dans notre vacarme en 1764.
Dénoncer le bordel, devenu synonyme de désordre et pagaille, c’est une invitation à plus de décence et de retenue.
Le tohu-bohu désigne une grande confusion et depuis 1862 un tumulte bruyant…
Comme vous et moi en vieillissant les mots prennent de l’embonpoint. Bordel et tohu-bohu sont encore loin de leur tour de taille définitif car ils sont deux épices populaires de la cuisine démocratique.