Pour le docteur Henri-Paul Vinit, ancien médecin coordinateur des prélèvements d’organes et de tissus, le constat est clair : « Nous devons faire du don d’organes une véritable culture, comme en Espagne ». Là-bas, le prélèvement concerne plus de la moitié des donneurs potentiels. En France, le taux de refus est passé de 30 % en 2019 à 36 % en 2024.
« Quand on fait un micro trottoir, 80 % des Français sont d’accord pour être donneurs, par contre quand ils sont confrontés au problème, le taux redescend à 36 %. » Une hausse que le médecin attribue à la méfiance née après la crise du Covid : « Les gens se sont repliés sur eux-mêmes. Certains se disent : puisqu’on ne fait rien pour nous, pourquoi ferait-on pour les autres ? ».
Des familles face à l’inacceptable
Beaucoup d’idées reçues persistent. L’âge, d’abord : « En 2009, la moyenne d’âge des donneurs était de 25 ans ; aujourd’hui, elle est de 41 », précise le Dr Vinit. Les progrès techniques permettent aujourd’hui de prélever et transporter les organes dans de meilleures conditions. Ainsi, le rein ou le foie d’un octogénaire en bonne santé peuvent sauver un malade.
Mais le plus difficile reste la rencontre avec les familles. « Quand on leur apprend qu’un proche est en mort encéphalique, c’est un choc. Même avec les bons mots, on sent la détresse », explique Henri-Paul Vinit. La loi prévoit que chacun est donneur présumé, sauf refus exprimé de son vivant, mais les soignants demandent toujours l’avis de la famille. « L’automatisme ne serait pas humainement acceptable. C’est pour cela qu’il faut en parler avant. »
Le don d’organes reste un geste profondément égalitaire, confirme Henri-Paul Vinit. « Peu importe que vous soyez ouvrier ou PDG, c’est la gravité de l’état de santé qui détermine la priorité. »
À Belfort, Michel Mougin, 70 ans, greffé depuis vingt-huit ans, préside l’association Revivre par le sport. Après la greffe, c’est par le sport qu’il a récupéré à la fois une forme physique et une joie de vivre. Fondée en 2011, l’association encourage les transplantés à reprendre confiance et à bouger. Avec une troupe de théâtre, l’association sensibilise également les élèves au don d’organes : « Les enfants posent toujours les bonnes questions », confie le Dr Vinit, qui espère voir cette initiative se développer dans le Cœur du Jura. Pour lui, tout commence par la parole : « Dire à ses proches : je suis donneur. C’est simple, mais c’est ce qui fait la différence ».