Quand l’air est trop humide des champignons microscopiques se développent dans les vieux livres et les recouvrent d’un dépôt poudreux et cotonneux blanchâtre. C’est ce qui est arrivé dans ma bibliothèque au Dictionnaire de l’Académie de Charles Nodier de 1857 que je viens de redécouvrir. Mais s’il est en fâcheux état, il recèle des vérités de l’époque qui lui gardent sa jeunesse et que j’aimerais partager avec vous.
Une guêpe nous dit l’auteur est une grosse mouche presque semblable à une abeille, qui a un aiguillon et qui fait du mauvais miel.
La ladrerie, c’est la lèpre, maladie qui couvre la peau de pustules et d’écailles. Familièrement c’est l’avarice sordide.
Magasin : lieu où l’on garde, où l’on serre un amas de marchandises. Garçon de magasin : celui qui sert les chalands dans un magasin.
Pauvre : Qui n’a pas le nécessaire, ou qui l’a trop strictement. Se dit d’une personne qui n’a pas de quoi subsister honorablement selon sa condition.
Riche : qui a beaucoup de biens. C’est un riche parti, se dit d’un jeune homme et plus ordin. d’une jeune fille très riche, qui est à marier. Une riche taille : une taille au-dessus de l’ordinaire et qui est bien proportionnée. Il est riche en ridicules : se dit d’un homme qui prête beaucoup à la raillerie.
Paysage : étendue de pays qu’on voit d’un seul aspect.
Peignoir : espèce de manteau fait de toile ou de mousseline, que l’on met sur ses épaules quand on se peigne.
Somme : repos causé par l’assoupissement naturel de tous les sens.
Sommeil : il signifie la même chose que somme mais il a des usages différents : par exemple on ne dirait pas Faire un sommeil comme on dit Faire un somme.
Notre vocabulaire évolue. Il faut en prendre soin…
Prendre soin : veiller à ce qu’il se conserve, à ce qu’il prospère, à ce qu’il réussisse.
Notes pouvant être utiles pour la lisibilité de ce texte.
(1)- Charles Nodier est né en 1780 à Besançon. Il se fit remarquer dès l’âge de 11 ans (vous avez bien lu) en faisant un discours patriotique au club des Jacobins de sa ville natale, club dont il devint membre l’année suivante. C’était bien jeune et peut-être d’ailleurs une erreur de jeunesse puisqu’il fut ensuite écrivain, romancier et membre de l’académie française mais … royaliste.
Son œuvre littéraire est disparate allant du mélodrame au roman et de la dissertation sur l’usage des antennes chez les insectes à l’étude des pensées de Shakespeare en passant par un essai sur le gaz hydrogène et les divers modes d’éclairage artificiel. Et la même année le dictionnaire universel de la langue française cité dans cette rubrique.
Charles Nodier a aussi largement contribué à l’émergence du mouvement romantique.
(2)- C’est pire encore ! Pas folle la guêpe ! Elle ne fait pas même de miel pour régaler l’homme de ses tartines. Et c’est une maline ! Son dard est lisse et rétractile ce qui lui permet de vous piquer autant de fois qu’elle juge nécessaire pour votre châtiment. L’abeille est beaucoup plus mal lotie : son dard est barbelé comme un harpon et reste accroché dans la peau du piqué. Si bien qu’elle s’explose l’abdomen quand elle s’extirpe de sa proie. Une triste fin qu’on ne le souhaite à personne.
(3)- Comment passer de pustules cutanées à l’avarice ? Notre langue a ses mystères et ses raccourcis. Un des symptômes typiques de la lèpre consiste en une insensibilité de certaines zones cutanées à la douleur, au chaud, au froid et au toucher. Et c’est pour cette raison qu’en 1640 l’insensibilité dermique a glissé vers l’indifférence à la misère des autres et de là vers l’avarice.
Ladre vient de lazre en 1160 qui vient lui-même de Lazare. C’est un rapprochement avec Lazare que le Christ a ressuscité car au Moyen âge les lépreux étaient considérés comme des morts vivants après qu’un prêtre ait récité leur l’office funèbre pour leur signifier qu’ils ne faisaient plus partie de la communauté.
Aujourd’hui la lèpre a disparu en France et les 2 000 léproseries ont été transformées en hôpitaux, couvents, fermes, PMU ou en Gare Saint Lazare car une léproserie se tenait là au Moyen âge.
(4)- Un riche parti est tout l’inverse d’un pauvre revenu.
Le bien qu’apporte une femme en se mariant constitue sa dot. Le mot est devenu féminin au XVIIème siècle. Il était temps ! On a commencé à le prononcer dot’, et non plus do pour éviter des confusions. Certains n’osaient plus dire : -je comptais sa dot mais je l’ai bien eu dans le dos ! Quand cette phrase est devenue d’un usage fréquent, du fait du délitement des mœurs, il fallut faire intervenir les linguistes compétents.
(5)- C’est un peu ce qu’on fait dans cette rubrique toute les semaines. Mais sera-ce suffisant sur le long terme ?
