Il n’est pas rare que les médias et nos gouvernants nous promettent monts et merveilles (1). Et le petit peuple -c’est de nous qu’il s’agit- espère en des jours meilleurs. Et parfois aussi en des nuits meilleures.
Mais la déception est bien souvent au rendez-vous. On dit alors que « la montagne a accouché d’une souris » (2). L’expression est troublante. L’image est forte et elle en a ahuri plus d’un, tant il est admis que l’accouchement est rarement sous les feux de la rampe dans nos expressions d’aujourd’hui…
On dit aussi que c’est un bide. Curieusement le bide est le contraire du tabac puisque faire un tabac est le contraire de faire un bide. Et si faire un tabac est très prisé, faire un bide pourrait rendre fumasse.
Il arrive aussi de faire un flop, belle onomatopée !
Et comme la déveine ne nous épargne guère, il est fréquent de faire un four, de se planter, de faire chou blanc ou de prendre un râteau (3). Tous ces fiascos montrent bien comme notre malheur reste consistant malgré les chevauchées fantastiques qu’on nous propose sans cesse dans les discours enrubannés et qui pourraient bien n’être que des chimères.
Entendez la mésaventure vécue par un ami qui croyant décrocher la timbale l’a eu dans le baba (4). Une situation inconfortable qu’on ne souhaite à personne tant elle rend toute démarche ultérieure difficile.
Que de belles promesses ont fait long feu avant de tomber à l’eau ! Que de pauvres gens ont pris une veste avant d’aller se rhabiller !
Combien, croyant simplement ramasser un gadin, ont dû se rendre à l’évidence : ils s’étaient vautrés, ils s’étaient gaufrés ? (5). Combien – à vue d’œil – se sont-ils cassé le nez ?
Et quand on y a cru, plus dure est la chute.
Notes en vrac :
(1)- Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. C‘est tellement vrai que cette belle idée est attribuée à bien des auteurs : Jacques Chirac, Claude Pasqua, Henri Queuille, Machiavel… La posture du matamore et le coup de menton volontariste auront attrapé plus de mouches que le vinaigre.
La sagesse polonaise l’a compris qui dit qu’il ne faut pas promettre des poires sous un saule.
(2)- Si aujourd’hui « la montagne a accouché d’une souris » surprend ce ne fut pas toujours le cas puisque cette expression nous vient des grecs antiques. Horace, poète latin bien avant d’être une gamme de soin du visage pour homme, évoquait déjà ce phénomène obstétrical une génération avant J.C., en précisant « ridiculus mus », une souris ridicule.
La souris en a séduit plus d’un puisque Montaigne, La Fontaine et Boileau son contemporain bien légitime, s’y collèrent à leur tour.
La Fontaine dans sa fable La montagne qui accouche (Livre V, fable 10) tourne en dérision bien des générations de futurs petits Mickey :
« Une montagne en mal d’enfant
Jetait une clameur si haute…
Au lieu d’un enfant, ce fut une souris. »
(3)- Faire chou blanc c’est faire un trou dans l’eau préfèrent dire les italiens. Quoi qu’il en soit c’est -comme on dit en Espagne- fer una cagade ».
L’explication de notre expression française est troublante. Elle viendrait du Berry. Au XVIème siècle quand le jeu de quilles était en vogue, les berrichons appelaient « choup blanc » un coup raté. Mais nos ancêtres pour franciser l’expression ont raté leur coup quand ils choisirent d’enlever un p au lieu d’enlever un h.
(4)- Autrefois, bien avant Intervilles Guy Lux, Simone Garnier, Léon Zitrone et autres vachettes les jeux quasi olympiques entre villages étaient nombreux. Parmi les marelles géantes et les tirs à la corde, le mât de Cocagne tenait le haut du pavé. C’était un pieu géant planté sur la place du village et enduit de savon ou de beurre selon le cours des denrées. Il s’agissait de grimper sur le mât à la force des quatre membres pour aller décrocher une timbale d’argent ou d’un moindre métal qu’on échangeait ensuite contre un lot, jambon de Bayonne où bêtise de Cambrai selon la domiciliation du pieu. Et c’est ainsi qu’en 1887 apparut l’expression « décrocher la timbale ».
Le pays de Cocagne n’est pas référencé sur Waze. C’est un paradis imaginaire connu depuis le XIIème siècle, où régnaient les fêtes continuelles, le vin, l’amour libre, le jeu, la débauche, le luxe et l’oisiveté. Le pays a été rasé lors d’une invasion pernicieuse et malfaisante et a été remplacé par la course aux heures sup’ pour payer ses impôts et l’abonnement Netflix.
(5)- Ramasser un gadin nous vient de l’argot de la fin du XIXème où un jeu de bouchon consistait à faire culbuter une forme de tête, le gadin, par un coup asséné avec précision.