Jura. Qui sont les loups du Jura ?

Cinq meutes ont été identifiées dans le massif, soit une trentaine d’individus. Des chiffres qui, d’après les données scientifiques, devraient continuer de grimper.

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Loup du Jura
Le loup se réinstalle progressivement en France. Le Jura n'y échappe pas.

La LPO et France nature environnement viennent d’organiser un cycle de conférences sur « le retour naturel du loup », dont deux dans le Jura. « Je fais cette conférence depuis plus de vingt ans car nous nous étions dit qu’il revenait en France, c’était inévitable !, introduit Emmanuel Cretin, biologiste écologue et spécialiste de l’aménagement du territoire et de l’environnement rural. L’idée est de démystifier avec des données scientifiques. »

Le passionné a d’abord présenté le loup

« Il fait la taille d’un Berger Allemand, peut parcourir 40 à 50 km par nuit, est gris fauve mêlé de noir avec des pattes charbonnées. Il est capable d’occuper tous les types de milieux. » Surtout, il est très opportuniste.

Les loups en France sont arrivés d’Italie. Des loups d’origine germano-polonaise commencent à coloniser l’ouest. « Il y a 20 à 25 000 loups en Europe, 1 000 à 1100 en France, principalement dans le massif alpin. » 200 tirs légaux sont réalisés chaque année dans notre pays car si l’espèce est protégée, des tirs sont possibles pour prévenir des dommages importants au bétail ou dans l’intérêt de la sécurité publique.

A la fin du 18e siècle, entre 3 000 et 7 000 animaux étaient dispersés sur tout le territoire. Ils ont disparu à la fin du 19e siècle – début du 20e, victimes de l’éradication par l’homme, la déforestation et la chasse excessive des ongulés sauvages.

« Il y a toujours eu du loup en Italie et en Espagne. Les habitants ont toujours eu l’habitude de fonctionner avec des grands prédateurs, contrairement à nous, où quand ça revient, ça pose problème, pose Emmanuel Cretin. C’est à partir de ces loups italiens que le massif alpin a été recolonisé. »

Une recolonisation qu’il explique par quatre facteurs : l’exode rural, la reforestation, la croissance des populations d’ongulés sauvages et les lois de protection de la nature. « Les premiers loups sont arrivés en France en 1992. Les loups de la lignée germano-polonaise sont entrés en France depuis 2017. La population espagnole ne vient pas chez nous. »

En quinze ans, ils ont recolonisé tout l’espace alpin ; en vingt-cinq ans, une bonne partie de la frange est et sud-est de la France. Cinq meutes vivent sur le massif du Jura, transfrontalières avec la Suisse. Il y a quelques loups en Saône-et-Loire. Un vient d’être tiré vers Chalon-sur-Saône.

On parle de la ZPP (zone de présence permanente) de Joux, du Mont Tendre, du Risoux, du Marchairuz et de la RNN (réserve naturelle nationale) de la Haute Valserine, soit une trentaine d’individus.

Un impact sur l’élevage

Dans une deuxième partie, le conférencier a parlé de l’incidence du loup sur le pastoralisme. « Il ne faut pas avoir peur de dire que le loup a un impact sur l’élevage. La Saône-et-Loire se prend de plein fouet la prédation du loup sur les élevages. »

Chaque année, 10 à 12 000 animaux sont victimes du loup, notamment dans le massif alpin, notamment les ovins. En 2023, 3,82 millions d’euros ont été versés en indemnisation ; 36,5 millions d’euros en protection (clôtures, chiens de protection, aide bergers).

En 2024, le massif du Jura a enregistré 52 prédations : aux Rousses, à Longchaumois, dans les Hauts de Bienne, mais aussi en Petite Montagne et dans le Revermont, ce qui représente 134 victimes, dont 116 ovins/caprins et 18 bovins/équins.

Septembre/octobre sont les mois où les animaux sont les plus prédatés, c’est plus facile pour les jeunes louveteaux. « L’attaque des bovins n’est pas propre au Jura, pointe le conférencier. Il n’y a pas de solution technique unique pour le massif jurassien, il faut faire un diagnostic de vulnérabilité de l’élevage et soit mettre des chiens de protection et des clôtures électrifiées sur les parcs à risque, mélanger des jeunes animaux plus vulnérables avec des plus âgés, sélectionner des races bovines protectrices et maintenir les cornes, introduire des ânes dans les troupeaux… »

« On sent que la tendance est à maintenir le loup dans les Alpes et les tirs légaux sont assez faciles ailleurs, observe Emmanuel Cretin. L’agriculture est forte dans notre région. C’est très compliqué de laisser un peu de place au loup. Nous sommes bien conscients que c’est compliqué mais nous défendons la cohabitation des loups et des élevages, d’autant que le retour du loup peut profiter à d’autres espèces. »

Emmanuel Cretin qui propose sa conférence sur le loup depuis vingt ans
Emmanuel Cretin propose bénévolement des conférences sur le loup depuis vingt ans.