L’Édito. Destination ailleurs

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Je n’avais plus pris le train depuis plusieurs années.
Allez savoir pourquoi. Probablement ne possédé-je pas de raison suffisamment valable pour me rendre rapidement et efficacement d’un point A à un point B autrement qu’en voiture.
Or ce week-end, j’ai redécouvert cet espace supposément ouvert mais où chacun reste rivé à son écran au lieu de profiter des multiples fenêtres sur le monde que nous propose notre déplacement.
Exit les heureuses inspirations poétiques ou philosophiques que pouvaient nous révéler le défilement d’un paysage, les réflexions sur le temps qui passe, où l’imagination du déroulement des rencontres, des existences, des destinées qu’un village peut évoquer lorsqu’on observe un peu attentivement les scènes de vie qui s’y déroulent.
Désormais, le contact s’est imperméabilisé. Les échanges sont devenus impossibles, puisque tout le monde porte des écouteurs !
La libre pensée (devenue synonyme d’ennui) s’est évaporée. La curiosité s’est éteinte. Quant à l’introspection, elle semble tout simplement avoir disparu.
Le livre Simulacres et Simulation, véritable chef-d’œuvre avant-gardiste du philosophe français Jean Baudrillard, aussi talentueux que controversé (généralement les deux vont de pair), décrivait déjà à sa sortie en 1981, comment nos sociétés modernes se sont tellement reposées sur des signes et des simulations de la réalité, qu’elles en ont perdu le contact avec le monde réel.
Preuve en est, le temps de cerveau disponible se reporte de nos jours essentiellement à consulter des likes, des stories, des shorts… Ce qui confirme que ces simulacres d’attention sociale ont pris le dessus sur nos interactions réelles.
Par extension, on peut également en déduire que les réseaux sociaux ne sont qu’une simulation de nos liens affectifs. De même que les partages, les commentaires ou les publications, n’en sont que des simulacres.
En regardant tous ces gens affairés à scroller leurs écrans, alors que quelques chevaux galopaient fièrement, je constatais, tristement, que dans notre société post-moderne, devenue celle du tout numérique, le simulacre parvenait en cet instant à annihiler et même déterminer le réel !
En descendant du train, outre la satisfaction du devoir accompli, celui d’avoir terminé d’écrire cet éditorial, je me confortai de tous ces enseignements sociologiques.
Dans un voyage, ce n’est pas la destination qui compte, mais le chemin parcouru…