Ça dépasse les bornes !

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Gérard Bouvier

Remaniement… Attention : le remaniement ne consiste surtout pas à retomber dans ses anciennes manies. C’est un mot, nous disent les linguistes, né en 1690 chez les ouvriers de la typographie. Il consiste à retourner le papier trempé et à le retremper encore pour bien le détremper. Après lui avoir mis une bonne trempe on l’essore ensuite jusqu’à la trame. Bien sûr, toute ressemblance avec la constitution d’un nouveau gouvernement dépasserait l’entendement.
En 1845, le mot évolue et concerne désormais « la modification d’un ouvrage d’esprit ».
– Tu vois ! Je te disais Germaine qu’un nouveau gouvernement c’était un ouvrage d’esprit. Mais non ! Toi, tu haussais les épaules !
Les Présidents de la République sont comme vous et moi. Quand quelqu’un(e) commence à nous courir sur le haricot (1), on cesse de lui donner le Bon Dieu sans confession et on le prie d’aller se faire cuire un œuf (2). Pas besoin d’attendre la Saint Glinglin en se montant le bourrichon ou -pire !- en se cassant la nénette (3) : hop ! au rancard en deux coups de cuiller à pot. C’est bête comme chou et ça ne mange pas de pain. Bien sûr le partant est chocolat et il en a gros sur la patate. En général -et même en simple soldat- il se met martel en tête et ne tarde pas à cracher sa Valda (4). Il peut assez vite yoyotter de la cafetière, faire du ramdam et chercher des noises. On en a même vu se mettre la rate au court-bouillon.
La population d’abord émerveillée a tôt fait de constater l’attrape-nigaud : elle comprend vite que le nouveau cache-misère sapé comme un milord c’est kif-kif bourricot (5), j’t’embrouille. Lui non plus ne vaut pas un fifrelin (6) et quand on aura bien craché au bassinet, c’est bête comme chou : on restera fauché comme les blés et Grosjean comme devant.

Notes pour une meilleure compréhension du texte. S’il en est besoin.

(1)- Quoiqu’en pensent certains la course sur haricot n’a jamais été une discipline
olympique. Et c’est bien justice. Il n’y a pas deux haricots identiques et -forcément-
ce type de course introduirait des inégalités entre les participants préjudiciables à
l’esprit olympique déjà souvent en souffrance.

(2)- On ignore l’origine de l’expression « va te faire cuire un œuf ! ». Elle nous est
arrivée un jour par l’opération du saint Esprit . Mystère et boule de gomme… C’est
rageant, mais ça n’est pas la mort du petit cheval.

(3)- Si vous allez aux Urgences en prétextant vous être cassé la nénette, après un
très long temps d’attente, vous n’aurez ni radio simple, ni scanner, ni IRM. Et pas
même d’échographie. La nénette serait -tenez-vous bien !- un bas morceau réchauffé
de la comprenette (comprenez chez nous : la comprenotte). Si, par contre, vous vous
êtes cassé la margoulette vous êtes en droit d’obtenir une dose d’Arnica 15 CH à
laisser fondre sous la langue.

(4)- La pastille Valda commercialisée en 1903 par le pharmacien Henri Canonne pour
1franc 50 la boite de 105 grammes est encore vendue à plus d’un million de boites
chaque année. Son nom ne vient pas du tout de la patineuse britannique Valda
Osborn, médaille de bronze au championnat du monde de patinage artistique 1953.
La preuve c’est que la pastille a 50 ans de plus que la patineuse.
Valda vient de la contraction de deux mots latins valetudo et dare : qui donne la
santé.
La Valda créée par Canonne a la forme d’une balle de pistolet. C’est en 1926 que
l’argot des truands s’en est emparé. « Cracher sa Valda » est devenu passer aux
aveux et quelques années plus tard sa couleur verte a fait évoluer encore
l’expression. « Alors tu la craches ta Valda ! » est devenu l’expression des belles
âmes bien nées quand elles s’impatientaient de voir les feux de croisement passer
au vert.

(5)- Si un ado dit d’une ado qu’il la kiffe c’est non pas qu’il attend d’elle des boulettes
de haschisch mais bien qu’il éprouve un sentiment amoureux profond. De quel droit un bourricot vient-il mettre ses sabots et ses crottins au beau milieu d’une histoire
d’amour à peine emmanchée ? L’expression vient de l’argot de nos armées du temps
où elles se mobilisaient en Algérie. En arabe de là-bas kif signifie comme. Et de
même que nous avons la Com-Com les soldats avaient le kif-kif, façon d’insister et
d’en rajouter une couche pour bien dire que c’est vraiment du pareil au même et
vice-versa. Et pour bien montrer notre entêtement on ajoute un bourricot animal
connu pour ses positions très arrêtées.

(6)- Un fifrelin ne vaut pas bien de la monnaie. Ainsi la Marie-Madeleine Bailly-Salins
personnage comtois haut en couleur m’a dit : Le Grégoire à la Marguerite est
toujours à tirer la lignousse. C’était une râpe qu’avait peur de ses sous. Mais le voilà
bin accul depuis qu’il a perdu la calabre. Je mettrais ma main au feu qu’on va le
croiser un de ces quatre à Saint Dé en train de tuner pour trois francs-six sous ou
quèques fifrelins… Pauvre France !
Tant mieux si vous avez compris. L’histoire est trop triste pour que je la traduise aux
rattraits.