Ilias, comment en êtes-vous arrivé à vous passionner pour ce félin énigmatique ?
J’ai effectué cinq années d’études dans ce domaine, dont trois ans en Bac Pro Gestion des milieux naturels et de la faune, ainsi qu’un BTS en gestion et protection de la nature. Je me suis toujours vivement intéressé à la nature et aux enjeux, encore plus importants de nos jours, que nos actions ont sur elle. Pour le lynx, j’ai eu deux déclics. Le premier m’a pris de court alors que j’effectuais un voyage dans les Alpes du Sud, en 4e. Un de mes camarades est venu me dire qu’il venait de voir un lynx. Cela m’a fait comme un électrochoc, je voulais le voir à mon tour, absolument. J’étais fasciné avant même de l’avoir vu ! C’est en Pologne, quelques années plus tard, que j’ai été profondément bouleversé par un stage sur les grands prédateurs. Ce fut une véritable révélation.
Avez-vous choisi d’en faire votre métier ?
Oui, même si pour le moment, je n’en vis pas. Je suis photographe animalier naturaliste, en qualité d’indépendant. Je prospecte dans le Haut-Doubs et le Haut-Jura tous les jours et ce, depuis janvier 2021. Travailler dans un tel environnement est un véritable privilège et je savoure ma chance au quotidien. Notre région est vraiment magnifique et j’aimerais, par mes photos et mes vidéos, sensibiliser le plus de monde possible sur la nécessiter de la respecter et de la protéger.
Le printemps pointe enfin le bout de son nez. Est-ce le moment idéal pour voir des lynx ?
Comme pour beaucoup d’espèces, le retour du printemps signe la saison des amours. C’est le cas pour le lynx qui reste cependant très discret. Et si tout se passe bien, dans dix semaines, nous devrions voir pointer les petites moustaches des bébés. J’ai eu la chance de capturer en vidéo une femelle suivie de trois boules de poils l’an passé. Deux ont survécu à leur première année, ce qui est parfaitement normal dans la nature sauvage. Les femelles sont beaucoup plus farouches que les mâles.
Les mâles se sont-ils montrés plus coopératifs ?
Oui, l’un d’entre eux surtout. Le 7 février dernier notamment, il s’est allongé sur un rocher, à une vingtaine de mètres de moi. Il a tout de suite capté ma présence mais il m’a accepté et est resté plus d’une heure sans broncher. Il a fait sa sieste, sa toilette… C’était une des rencontres les plus intenses ! Il a très certainement dû s’approprier mon odeur durant ces mois de traque incessante. Je fais partie de son paysage maintenant. En tout, j’ai fait six rencontres avec le lynx et toutes ont été bouleversantes.
Six rencontres en un an ?
Oui, cela fait peu mais il peut se passer des semaines, voire des mois sans que je le rencontre ou le filme. C’est un travail de patience infinie, souvent récompensé par des instants magiques comme celui que je viens de vivre.
Combien y a-t-il de lynx en Franche-Comté ?
En France, on compte entre 150 et 200 individus, dont 80% vivent dans nos forêts jurassiennes. C’est une espèce protégée, considérée en danger. La principale cause de mortalité du lynx est les collisions routières et ferroviaires. Ce sont surtout les jeunes qui sont touchés, à la recherche de nouveaux territoires. Le braconnage représente lui aussi une menace pour l’animal.
Durant ces traques, vous intéressez-vous à d’autres espèces ?
Bien sûr ! Nos forêts regorgent d’espèces toutes plus intéressantes les unes que les autres et j’ai eu la chance d’en rencontrer des rares, comme la chouette de Tengmalm. Ce rapace est protégé et très difficile à observer car uniquement nocturne. J’ai trouvé sa loge grâce à son chant et au printemps dernier, j’ai même pu filmer ses petits.
Vous avez des projets ?
J’aimerais en apprendre encore davantage sur le lynx. J’ai un projet de vidéo incluant naturellement notre panthère de Franche-Comté mais également de nombreuses espèces vivant dans nos bois. Des photos et vidéos sont d’ores et déjà visibles sur mes réseaux sociaux (youtube, facebook et instagram) ainsi que sur mon site internet : www.iliasharkate.com