L’invité de la semaine : Xavier Thévenard

Professionnel de l’ultra-trail au palmarès impressionnant, Xavier Thévenard est aussi un citoyen engagé pour la défense de la biodiversité. Il défend des principes et surtout se les applique au quotidien.

0
974

Xavier, comment êtes-vous venu à l’ultra-trail ?
Se déplacer dans la nature est dans notre ADN. L’humain l’a toujours fait, à toutes les époques de son évolution, pour chasser comme dans son quotidien avant l’avènement de la voiture pour tous. C’est le plus naturel de tous les modes de déplacement.
Pour ma part, ayant passé mon enfance au pied des pistes dans le Jura, j’ai toujours évolué dans un milieu naturel privilégié. Et pour voir les copains il fallait que je fasse près de 10 km… donc je les parcourais en marchant ou en courant, et bien sûr à ski l’hiver. Forcément, ça m’a aidé à gagner en endurance. Tout cela m’a amené petit à petit vers l’ultra-trail.

Au prix de nombreux sacrifices ?
Non, on ne peut pas parler de sacrifices à mon sens mais de mode de vie. Aujourd’hui, j’ai même la chance de vivre de ma passion et j’y vois plus d’avantages que d’inconvénients. Même si évidemment, les entrainements peuvent paraitre contraignants, qu’il peut y avoir des blessures et de la fatigue…il y a des moments moins faciles que d’autres mais je m’épanouis dans cette discipline et je ne retiens finalement que le mot de plaisir.

Où en êtes-vous de votre carrière ?
J’ai aujourd’hui 34 ans dont dix années d’ultra-trail au plus haut niveau en tant que sportif professionnel. Comme c’est une passion, je n’ai pas vu le temps passer et je ne raisonne même pas en termes de carrière. En ce qui me concerne, je pense que le corps s’arrêtera avant la tête et que c’est lui qui me dira qu’il est temps de passer à autre chose. Mais tant que c’est possible, je continue à courir, à profiter de la nature et des paysages.

Vous avez pourtant une autre vision du déroulement de votre carrière ?
En partant du constat que prendre l’avion est néfaste pour l’environnement quand on veut comme moi défendre la nature, on ne va pas courir au bout du monde. Je ne le fais plus depuis maintenant trois ans et j’espère qu’une prise de position comme celle-là sert d’exemple à quelques personnes c’est important que des sportifs s’engagent de la sorte. Il serait incohérent d’adopter un mode de vie qui détruit finalement la faune et la flore donc tout ce qui me procure du bonheur au quotidien. Ces convictions écologistes je les ai depuis mon enfance et elles n’ont fait que murir en grandissant. Je me les applique donc tout naturellement.

Comment se sont-elles forgées ?
J’ai assisté à beaucoup de conférences sur la biodiversité en général, lu beaucoup de livres aussi. Et j’adapte donc mon mode de vie comme nous devrions tous le faire quand on entend les conclusions des rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat) au fil des années. La situation actuelle va être de moins en moins tenable. Les canicules à répétition, les pluies diluviennes et autres événements climatiques anormaux vont se poursuivre et s’aggraver si nous ne faisons rien. Nous n’avons pas assez de ressources énergétiques pour continuer comme ça donc oui, tournons-nous vers la décroissance mais en l’anticipant pour ne pas avoir à la subir.

Les éoliennes qui crispent dans le Haut-Doubs ou le Jura, est-ce une bonne solution ?
Oui pour créer une énergie propre et pas fossile. Mais il faut être attentif à les placer là où elles ne mettent pas en péril la faune et la flore, là où elles ne dénaturent pas. Les projets doivent vraiment venir après une réflexion globale mais il est aussi certain qu’à elles seules, elles ne pourront pas tout résoudre.

Et dans votre vie de tous les jours ?
Je me déplace principalement et autant que possible en tout cas à pied ou à vélo. Par ailleurs, je rénove en ce moment une vieille ferme en faisant attention aux matériaux utilisés pour l’isolation par exemple avec de la paille et de la laine de bois. Après travaux, grâce à des panneaux photovoltaïques, elle sera peu énergivore et même passive, autonome en électricité comme en eau. C’est un bon exemple car les passoires thermiques ont d’importantes conséquences négatives sur notre environnement. Autre point, j’utilise très peu d’appareils électroménagers. Pas besoin de lave-vaisselle ou de bouilloire… notre hyper-consommation nous mène à notre perte. Nous pouvons tous agir en vivant plus simplement. Cela passe par un retour à des valeurs simples, à un épanouissement personnel plus tourné vers les relations humaines que la possession matérielle.