Rubrique. Le coin lecture d’Isa. Sylvie Gracia. Nous n’étions pas des tendres

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Sylvie Gracia signe un roman touchant sur le temps qui passe, sur la vie, les choix qu’elle nous offre et qui nous constituent. Éditions L’Iconoclaste.


À 20 ans, Hélène a pris la tangente pour ancrer sa vie familiale et professionnelle à Paris. Deux filles et un divorce plus tard, elle traverse l’existence presque résignée. Pourtant, cet été-là en compagnie de son père vieillissant, elle décide de réinvestir une dernière fois la maison de famille, celle des origines. Les transformations faites par Miguel, son frère, héritier anticipé de la bâtisse, laissent un goût amer à Hélène. Où est passé ce qui faisait l’âme du lieu ? Les objets, les photos, les odeurs, tout a disparu, laissant le père et la fille décontenancés chacun à leur manière par l’impossibilité de s’agripper aux balises de leurs souvenirs.

Alors père et fille pendant six jours vont se rapprocher, pour tenter de retisser ensemble la toile de leur narration au cœur de cette maison du lac. Entre le vieillard au corps affaibli, à la mémoire vacillante et sa fille prise dans les questionnements existentiels de la cinquantaine, le séjour va permettre de révéler la puissance de ce qui s’est ancré au cœur de ce territoire, de ce qui a constitué l’histoire familiale et façonné le parcours intime de chacun. De ces moments fondateurs inoubliables, de ces amours passés gravés à jamais, de ce qui a été laissé en friche et de ces fils tissés, et de ceux que l’on a perdus, voilà ce que vient interroger ce texte profond. On y trouve une grâce aussi, dans l’écho de ce qui est questionné ici. Ce retour à l’oustal, « ce mot occitan qui dit à la fois la maison et la lignée », façonne un récit saisissant, irriguant les pages du remous des souvenirs et permettant de revenir à la source en y interrogeant avec émotion le rapport au temps qui passe. De ces choix qui ourlent une vie, dans ce rapport qui se joue ici à la vieillesse et à la mort, dans ce désir aussi jamais bien loin, on sent poindre les questions essentielles que pose toute vie.

Alors on tourne les pages et on parcourt avec nostalgie le chemin sur lequel nous a menés Hélène. Car dans son histoire, il y a aussi beaucoup de nos vies.

Isa sur Instagram : lodyssee_des_mots