L’invitée de la semaine : Caroline Brandicourt

Caroline, atteinte d’une maladie neurodégénérative, et membre du collectif "Soulager mais pas tuer", s’est lancée le 22 avril 2023 dans une tournée de 2 mois à tricycle, parcourant plus de 1 000 km à travers une vingtaine de départements français, dont le Jura, dépourvus d’unités spécialisées en soins palliatifs.

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Caroline Brandicourt.

Caroline, vous privilégiez les soins palliatifs à l’euthanasie ?
La loi de 2016 oblige chaque département à avoir au moins une unité de soins palliatifs, mais sa mise en œuvre est encore inégale. Moi ce qui me préoccupe le plus, c’est la proposition actuelle du ministre de la Santé visant à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté. Il est clair qu’il faut développer davantage les unités de soins palliatifs, car de nombreux patients qui demandent l’euthanasie changent d’avis après avoir été admis dans ces unités. Lorsqu’on soulage leurs souffrances et qu’on les accompagne, ils retrouvent le désir de vivre jusqu’au bout…
Je trouve donc paradoxal de promouvoir l’euthanasie alors que les soins palliatifs offrent une véritable perspective de vie, digne jusqu’au terme. En plus des unités de soins palliatifs, il est important d’avoir des équipes mobiles de personnels formés pouvant intervenir dans différents services hospitaliers. L’hospitalisation à domicile avec un personnel formé est aussi une alternative.

Comment vivez-vous votre maladie ?
Je souffre d’une maladie neurodégénérative appelée l’Ataxie de Friedreich. Cette maladie affecte l’équilibre, la coordination et la sensibilité profonde, ce qui me rend la vie très difficile. Lorsqu’on est confronté à une maladie, notre perspective sur la dépendance change. La société nous présente souvent la dépendance comme une horreur. Cependant, j’ai appris qu’être dépendant pour certaines tâches ne signifie pas nécessairement une vie diminuée, moi je vis à 100 % ce que je peux vivre.
La dépendance peut ouvrir de nouvelles voies de relation authentique avec les autres et nous permettre de vivre plus intensément nos cinq sens et nos émotions. Cela demande toutefois un passage obligé par l’étape de l’acceptation. La peur de la dépendance pousse certaines personnes à envisager la mort plutôt que de vivre leur dépendance.

Vous souhaitez passer plusieurs messages, quels sont-ils ?
Je trouve dommage que les médias n’accordent pas suffisamment d’attention aux unités de soins palliatifs. Ces structures offrent un accompagnement complet et personnalisé à chaque patient, permettant de vivre pleinement chaque instant. Les équipes soignantes sont là pour soulager les patients de leurs souffrances, leur permettant ainsi de retrouver le goût de vivre et de partager des moments précieux avec leurs proches. Malheureusement, la société actuelle est souvent influencée par des discours qui prônent l’euthanasie comme solution facile pour éliminer la souffrance, plutôt que de se concentrer sur l’élimination de la douleur elle-même. Cela me préoccupe énormément, surtout dans un contexte de crise…

L’entourage reste aussi indispensable…
En effet, il est primordial que chacun de nous soit présent aux côtés des personnes que nous connaissons. Par exemple, rendre visite à une personne âgée vivant près de chez nous, dans un établissement médicalisé, est une initiative simple mais qui peut avoir un impact énorme. La société a besoin de plus d’humanité. J’encourage aussi les gens à oser aller vers les personnes handicapées. Souvent, nous avons peur de l’inconnu, mais il suffit de faire le premier pas, dire bonjour, pour établir une communication. Et puis surtout la société doit gagner en humanité au lieu de toujours attendre des actions de l’État. L’État agira s’il constate que cela est important pour les citoyens, mais si les citoyens abandonnent, l’État abandonnera aussi.

Finalement, quel bilan tirez-vous de votre démarche militante ?
J’ai vécu une très belle expérience et je suis très heureuse de toutes les rencontres que j’ai pu faire. Rencontrer, écouter, ça permet vraiment d’évoluer dans la recherche de la vérité, au lieu de rester sur ses positions.