L’invité de la semaine : Randall Schwerdorffer 

En publiant son troisième roman Itinéraire d’un avocat hors norme, le célèbre avocat franc-comtois revient sur ses 10 plus grandes affaires. Parmi elles, l’affaire Narumi, dont le procès en appel du chilien Nicolas Zepeda s’est ouvert lundi dernier ou encore l’affaire de l’anesthésiste Frédéric Péchier. Rencontre.

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Randall Schwerdorffer. (Crédit photo : @Frédéric Vignale).

Une question très simple pour débuter : pourquoi ce nouveau livre ?

Les deux précédents ont généré des lecteurs, y compris du milieu carcéral, ce qui peut paraître étonnant, mais beaucoup sont intéressés par les affaires criminelles de près ou de loin et essaient parfois de trouver des réponses au travers de ces livres. J’ai plusieurs séances de dédicaces, même si sur les gros rendez-vous, j’ai peu de chances d’en faire car il y a toujours des associations « écoféministes » qui viennent tout gâcher. C’est dommage, car c’est une occasion ratée d’échanger y compris avec des gens qui ne partagent pas mon avis, ce que je trouve très enrichissant.

Dans ce livre et l’interview qui précède les affaires, vous dites n’avoir pas vraiment choisi le métier d’avocat, ni celui de pénaliste, ni le titre de votre livre. Qu’avez-vous choisi ?

J’ai eu une liberté totale sur le choix des affaires dans ce livre et c’est aussi le cas pour un futur livre en préparation. Ce sont toutes des affaires hors normes, d’où le titre du livre, pour le cabinet. Avec moi, il y a une équipe qui compte plus de 250 affaires plaidées. C’est ensemble que l’on choisit et construit ce bouquin. Je ne suis pas un grand avocat, je travaille dans un grand cabinet. L’équipe est extraordinaire.

Nous sommes à quelques jours de l’ouverture du procès en appel de Nicolas Zepeda.  Lors de la première instance vous parliez de processus d’aveu. Est-ce un procès différent lorsqu’on est dans cette optique ? 

La cour d’assises est un lieu de travail, d’analyse et de réflexion. Ce n’est pas un pugilat, à l’image d’une salle d’arts martiaux, il y a des règles strictes et précises au tribunal, on ne se comporte pas n’importe comment. Mr.Zepeda n’est pas mon ennemi, il ne m’a rien fait. Nous travaillons dans une logique, la manifestation de la vérité.

C’est une affaire internationale, trois pays, des dizaines de journalistes, c’est aussi hors norme en ce sens…

Quand j’entre dans la salle d’audience, les médias n’existent plus. En dehors, bien sûr, j’échange, ce sont des partenaires, des atouts aussi comme le journaliste de l’Est Républicain, Frédéric Jimenez, qui m’a énormément aidé pour l’affaire Varlet. Les journalistes sont pour moi des intervenants périphériques d’un procès, toutefois essentiels. En revanche je ne supporte pas les « journalistes indépendants », ces gens qui, téléphone au poing, pensent être plus honnêtes que les médias traditionnels ou officiels. C’est terrifiant, ils se disent professionnels mais racontent n’importe quoi et baignent dans une désinformation totale.

Tout accuse Nicolas Zepeda, comme tout semble accuser le docteur Frédéric Péchier, même si sur le fond ces deux affaires n’ont rien à voir. Pourtant, vous dites être persuadé de l’innocence de l’anesthésiste… Pourquoi ?

Je suis au cœur de l’erreur judiciaire dans cette affaire Péchier. Je suis convaincu de son innocence depuis le début de l’affaire, ce qui n’est pas toujours le cas pour d’autres, et je le suis par ce que nous avons une connaissance du dossier qui va permettre d’avoir une défense très solide. Le cabinet travaille sur cette affaire depuis bientôt huit ans, c’est la plus importante de ma carrière. Je ne connais pas l’issue d’un procès, nous défendrons Frédéric Péchier jusqu’au bout. Tout comme je ne sais rien de l’issue de ce procès en appel de Nicolas Zepeda.

Si Frédéric Péchier venait à être innocenté à l’issue d’un procès, il y aurait, encore une fois sur la forme, un retentissement similaire à l’acquittement de Patrick Dils obtenu par son avocat Me Florand en 2002…

Nous sommes exactement à ce niveau-là. L’affaire Dils est entrée dans l’histoire judiciaire avec toutes les conséquences et modifications législatives qui ont suivi. Jean-Marc Florand a été extraordinaire et très aidé par une certaine presse ! Il fait partie pour moi des meilleurs avocats pénalistes de France.

Que préférez-vous au cours d’une affaire ?

Les débats, les contre-interrogatoires, croiser les vérités, essayer de faire ressortir les inexactitudes. Faire tomber les évidences parfois, jusqu’à ce moment où l’on sent le procès « craquer ».

Vous dites « défendre un dossier soutenu par l’opinion publique ne représente strictement aucun intérêt personnel et professionnel », c’est-à-dire ?

J’aime défendre le pire, c’est dans le pire que les avocats pénalistes sont les meilleurs. Plus l’affaire est difficile, plus une personne se retrouve dans une situation d’ostracisation, plus c’est intéressant. Notre place est à côté de lui.