La saga Bel, histoire d’un fromage superstar qui a conquis le monde

La Vache qui rit est aussi connue que Coca Cola ou Levis et présente dans le monde entier. Consommée dans plus de 120 pays, la Vache qui rit ne cesse d’être une véritable icône, star d’innombrables publicités vantant la qualité du produit ou la convivialité qu’elle inspire. La saga Bel a commencé à Lons le Saunier il y a 100 ans et continue à imprégner la ville. Retour sur un siècle d’une épopée fromagère, populaire et publicitaire.

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C’est en 1908 que Léon Bel crée « Léon Bel Fromages de Gruyère en gros ». Son premier acte novateur est de recruter une équipe commerciale qui va parcourir la France et va assurer de nouveaux points de vente pour ses fromages. Les ventes se font sur le territoire national mais il pense déjà à l’exportation. La déclaration de guerre le 28 juillet 1914 donne un coup de frein à la croissance de la société. Léon Bel est mobilisé et à 36 ans, il est affecté au service automobile de l’armée qui assure le ravitaillement des soldats.

Léon Bel à droite, pendant la guerre (photo Maison de la Vache qui rit).

« Mets lui des boucles d’oreilles, on saura tout de suite que c’est une fille »

Dés son retour de la guerre, Léon Bel identifie parfaitement les opportunités et les développements du fromage fondu. Il se lance dans sa fabrication et crée l’atelier dit de « l’Aubépin », lieu où se situe actuellement la Maison de la Vache qui rit.
Le 16 avril 1921, Léon Bel dépose sa marque « La Vache qui rit », ce dépôt est accompagné d’un dessin réalisé par le publicitaire lyonnais Ramboz qui représente une vache hilare en pied inspiré par l’insigne du RVS B70 où était affecté Léon Bel. Ce dessin imaginé par Benjamin Rabier la Vachkyrie est un pied de nez aux Allemands dont il raconte la genèse : « j’avais loué à mon laitier une vache et son veau. J’entrepris de suite le veau, pensant qu’il serait plus sensible, étant plus jeune. Eh bien pas du tout ! C’est la mère qui s’est mise à rire la première, heureuse de me voir jouer avec son enfant ».
C’est la femme de Léon Bel, Anne-Marie, qui lui procure la touche finale : « Mets lui des boucles d’oreilles, on saura tout de suite que c’est une fille ! ».

Bel présent sur le tour de france en 1930 (photo Maison de Vache qui rit).

La portion, une idée de génie

Le succès de la nouvelle marque est très rapide, dés 1924, de nouvelles machines permettent d’augmenter la production et la qualité du produit. Depuis le début, le fromage était coulé dans des boites métalliques, ce qui fait que toute boite entamée devait être consommée rapidement. L’idée de génie a été de couler le fromage en portions enveloppées dans du papier d’étain et disposées dans des boites en carton. Cette innovation assure une conservation parfaite du produit. Dans la première année, il est écoulé 12 000 boites par jour. Inaugurée en 1926, une nouvelle usine basée boulevard Jules Ferry, est conçue pour une production de 120 000 boites par jour soit 20 T de Vache qui rit. La société construit également des logements pour son personnel.

La boite de Vache qui rit jusqu’en 1945 (photo Miaison de la Vache qui rit).

Une expansion internationale dés 1929

dés 1929, les Fromageries Bel s’ouvrent à l’international en installant une usine de production  à Southampton en Angleterre ainsi qu’une filiale « Bel Cheese Company », s’ouvrant ainsi au marché Britannique. Une même stratégie est adoptée en Belgique dès 1933, puis progressivement dans les autres pays européens. La crise des années 30 a pour conséquence une baisse sérieuse de la production, Léon Bel refuse d’engager une politique d’austérité, il prend des risques, augmente même la taille de l’usine de Lons et achète de nouveaux dépôts dans des grandes villes.
La société fait face aux difficultés du marché en diversifiant ses activités et élargit la gamme de ses produits comme le Babybel. A partir de 1934, ses laiteries produisent en association avec des spécialistes italiens, hollandais ou autrichiens toute une gamme de fromage portant l’image de la Vache qui rit.

L’usine de Lons le Saunier, reconnaissable avec son château d’eau.

Le rire est le propre de l’homme… et de la vache qui rit

Léon Bel a été le premier à créer « un bureau de la publicité », ce service inédit à l’époque sera à l’origine d’un foisonnement d’objets publicitaires. La même inventivité est déployée dans les médias. La Vache qui rit est omniprésente dans la radio, la presse écrite, les quotidiens, les magasines pour enfants. En 1935 et 1936, des concours sont organisés avec de superbes lots, bicyclettes et même des voitures.
Si elle parle aux parents, la Vache qui rit s’adresse aussi aux enfants qui deviennent des consommateurs privilégiés. A partir de 1931, les boites contiennent des vignettes à coller sur des albums, une fois que celui-ci est complet, l’enfant peut gagner des cadeaux pouvant aller jusqu’à un poste radio, ce qui était énorme pour l’époque.

La Maison de la Vaqche qui rit.

Une entreprise familiale du Jura qui connait une croissance fulgurante

c’est sous la houlette de Robert Fiévet, marié à la fille de Léon Bel et président directeur général depuis 1941 jusqu’en 1996 que cette entreprise familiale du Jura connait une croissance fulgurante. En 1994, la revue l’Usine Nouvelle fait un « palmarès de l’industrie » : Bel est en première place. En septembre 1999, ce même périodique le cite comme l’un des cent entrepreneurs du siècle.
Que ce soit en Europe, en Amérique, au Japon ou en Afrique, la Vache qui rit est présente. Elle est appréciée pour ses qualités nutritionnelles et gustatives qui font que chaque année dans les 120 pays où la Vache qui rit est présente près de 7 milliards de portions sont consommés.
Pour la petite histoire, en 1962, il fallait deux jours pour fabriquer des boites qui une fois empilées auraient atteint le sommet de l’Everest. Aujourd’hui, il faudrait seulement 6 heures.

Une exposition à la Maison de la Vache qui rit (photo agence Airpur).

Le secret de la réussite de Bel s’inscrit dans une réalité avant tout humaine

Dés 1968, la société soucieuse des conditions de travail met en place une nouvelle organisation étendue ensuite aux autres usines du groupe. On abandonne le travail à la chaine pour lui préférer des ateliers en « modules », cette organisation permet une dimension plus humaine.
Audace, engagement, bienveillance…Ces valeurs sont encore largement au cœur de la stratégie Bel. L’esprit qui a fait son succès perdure et accompagne l’expansion du groupe.

La cave de la Maison de la Vache qui rit (phpto agence Aurpur)

Du fromage sans lait !

Le groupe qui a généré 3,5 milliards d’euros en 2020 cherche à « rééquilibrer son offre » avec à terme 50% de produits laitiers et 50 % de produits d’origine végétale. Un boursin et un babybel 100% végétal seront bientôt commercialisés aux Etats-Unis. Ce fromage sans lait sera réalisé à partir de matières grasses issues de la noix de coco et du colza.
Ces nouveautés s’inscrivent dans une stratégie de groupe. « on sait que les protéines animales sont gourmandes en terme de CO2, alors on végétalise nos gammes », explique son PDG, Antoine Fiévet lors d’une conférence de presse.

La cabane de jardin, centenaire de la vache qui rit (photo agence Aipur).

La Maison de la Vache qui rit réinvente le musée de marque

Construite en 2009 et repensée en 2018 sur le site historique des ateliers de l’Aubépin, la Maison de la Vache qui rit est un lieu de mémoire du groupe Bel. C’est une maison contemporaine dont l’idée est de s’appuyer sur le passé, d’être acteur du présent et en permanence tournée vers l’avenir. C’est aussi un laboratoire d’idées qui relaye les engagements forts et concrets du groupe au niveau de la responsabilité sociétale d’entreprise. Axée sur quatre piliers : l’agriculture durable, l’empreinte environnementale, la nutrition attentive et le bien être de tous.
Ce lieu de vie de 2200 m2 est destiné à tous les publics, elle se veut plus qu’un musée, témoin de l’évolution de la société à travers son histoire et propose un circuit interactif qui commence par l’espace historique des caves à l’espace fabrication où est proposé au visiteur un atelier de fabrication d’objets à partir d’emballage des produits Bel. Ce sont près de 48 000 visiteurs qui franchissent chaque année les portes du musée, faisant de ce lieu un incontournable de la ville.

Exposition 100 rires (photo agence Airpur).


Déjà 100 ans et pas une ride

la Vache qui rit a fêté ses 100 ans les 11 et 12 septembre dernier au parc des bains de Lons le Saunier en invitant la population dans son mini parc d’attraction écologique, dans une ambiance de fête foraine qui rappelait les fêtes de village d’antan. Par exemple, les parents devaient pédaler pour actionner la grande roue. Les enfants découvraient des jeux bizarres réalisés à partir de vieux vélos. Il y avait aussi de quoi s’informer pour manger local, se déplacer sans polluer ni gaspiller, trier ses déchets et penser à l’avenir.
Toujours dirigé par les descendants de Léon Bel et Robert Fiévet, Bel continue à se lancer de nouveaux défis industriels et commerciaux. Encore aujourd’hui, ce mélange d’innovation technique, marketing et publicitaire est indissociable des produits et marques du groupe.

La Maison de la Vache qui rit (photo agence Airpur).

Quelques chiffres

– Groupe Bel : 5ème génération de dirigeants familiaux
– 13000 salariés dont 3400 en France
– Chiffre d’affaire 2020, 3,5 milliards
– 19 milliards de portions commercialisées dans 120 pays
– 121 portions par seconde consommées dans le monde
– Plus de 100 recettes dans  le monde