Les médias nous le disent : il n’y a guère de région du monde qui ne soit frappée par la guerre entre états, par les guerres civiles ou par la famine. Des morts par milliers, des populations déplacées…
Dans la bande de Gaza, en Ukraine, au Soudan, en Somalie, en Birmanie et au Yémen on se bat avec ardeur. À Gaza, au Mali, au Nigeria, dans la corne de l’Afrique, à Haïti on parle maintenant d’insécurité alimentaire (1). C’est moins déprimant que de prononcer la famine. Mais on en meurt tout autant.
Dans l’actualité sinistre de nos grands maux on cherche en vain les grands remèdes pour apaiser nos angoisses et nos colères.
Au niveau modeste de cette rubrique je vous propose -sans pour autant tourner la page- quelques-unes de nos belles expressions pour retrouver, le temps d’un éclat, une humeur moins lugubre. C’est bien peu mais je n’ai pas mieux…
Par quelle expression commencer pour éloigner notre cafard le temps d’une virgule ? Je donne ma langue au chat… (2). Mais comment naissent-elles nos expressions ? Un jour quelqu’un l’a dit, un peu par hasard. Ou par une farce de sa pensée qui trébucha sur un malentendu. Mais l’effet a convaincu ou fait sourire. Et l’expression validée par l’opinion publique s’est répandue comme une trainée de poudre.
Désormais on dira : tomber dans les pommes (3), avoir une araignée dans le plafond (4), pleuvoir comme vache qui pisse, pas piqué des vers, se comporter comme une sainte-nitouche, tirer les marrons du feu, se faire rouler dans la farine (5) ou ménager la chèvre et le chou (6)…
La nouvelle expression s’impose à tous. Aucun équivalent ne la concurrence gravement. La voilà cerise sur le gâteau de nos propos ordinaires. Quelques siècles plus tard on se demandera d’où peut bien venir cette expression. Mais il est trop tard, la source s’est perdue.
Notes pour y voir plus clair :
(1)- L’insécurité alimentaire remplace désormais la famine pour 2,3 milliards de terriens. C’est une dénomination élégante et déculpabilisante pour atténuer le malaise empathique des pays du nord où l’obésité et la surcharge pondérale sont omniprésentes.
Nous disposons ainsi de nombreux raccourcis pour duper notre moral. Les opérations de maintien de la paix en neutralisant les cibles font des dommages collatéraux. C’est mieux que des morts à la guerre. Même si les familles ne voient guère de différence.
Les demandeurs d’emplois sont souvent les résultats des plans sociaux. C’est quand même plus confortable que des chômeurs victimes de licenciements massifs.
(2)- Donner sa langue au chat c’est capituler devant une énigme insoluble. Cette curieuse expression nous vient d’un courrier de Madame de Sévigné à sa fille en 1676. Il ‘agissait alors de « jeter sa langue au chien » mais le temps a fait son œuvre et quelques réajustements. L’énigme portait sur un mal à deviner qui empêchait le mari de la marquise de jouir plein pot de la vie et la réponse était : un rhumatisme ! La poésie ne saurait être partout…
(3)- On a de moins en moins la pêche et un triste jour on finit par tomber dans les pommes. L’origine de l’expression (récente : 1889) reste inconnue. Pour certains il y a une filiation avec le verbe se pâmer et tomber en pamoison mais l’on ne se pâmait plus guère en 1889…
(4)- Avoir une araignée dans le plafond c’est bien sûr être un peu en difficulté avec le bon entendement des choses de la vie. Nos voisins européens ont des équivalents sympathiques. En Angleterre, on a une chauve-souris dans le beffroi. En Allemagne on a un dégât dans le toit . Au Danemark on a des rats au grenier quand en Suède ce sont des lutins et chez les latins déjà on avait une araignée sous la mitre. C’est une grande consolation de voir que cette difficulté est largement partagée.
(5)- Se faire rouler dans la farine est très désobligeant et devrait être considéré comme un délit et ce même si l’opération n’est pas suivie d’un bain d’huile bouillante. L’expression date du XIXème. Se faire rouler c’était être trompé et la farine ajoutait une mystification. On dit que les comédiens de cette époque utilisaient volontiers la farine comme un maquillage bon marché pour égarer le public.
(6)- Ménager la chèvre et le chou devient en Espagne « brûler un cierge à Dieu et un autre au diable ». Autrement dit ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier ! L’expression vient de l’énigme célèbre du paysan qui doit transporter de l’autre côté de la rivière tour à tour et dans son frêle esquif un loup, une chèvre et un chou sans qu’aucun ne se fasse dévorer pendant cette délicate manœuvre. Si vous n’avez pas la réponse il vous faut relire la note 2.
Découvrez la rubrique complète en CLIQUANT ICI.