Apprendre notre langue aux Ukrainiens : la générosité discrète

À Chevreaux, l’ancien couvent des Sœurs de l’Alliance accueille un groupe évolutif d’une quarantaine de réfugiés ukrainiens. Tous de passage, dans l’attente d’un relogement et d’un travail. Avec une première nécessité : la maîtrise de notre langue.

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Spontanément, quatre Cousançoises : Claudie Briquet, Séverine Buchot, Marie Thérèse Milland et Claire Scimia ont accepté le défi d’apprendre le français à une quarantaine de réfugiés ukrainiens.

Spontanément, quatre Cousançoises : Claudie Briquet, Séverine Buchot, Marie Thérèse Milland et Claire Scimia ont accepté le défi d’apprendre le français à une quarantaine de réfugiés ukrainiens. En lien avec le CCAS de Lons-le-Saunier, elles leur enseignent deux heures de français tous les mercredis depuis le 18 octobre. « Nous sommes un peu allées à l’aventure dans une approche empirique. Nous voulions éviter une méthode descendante toute construite et plutôt partir de leur demande et nous adapter au fil de leurs besoins, témoignent les bénévoles. Concrètement, nous intervenons en coanimation avec pour outil ARASAAC, un site multilinguistique gratuit et interactif. Alimenté par les internautes, il fonctionne à partir de pictogrammes. Pour les Ukrainiens et leurs familles d’accueil, c’est une Polonaise, Weronika Firlejczyk, qui y développe des lexiques de traduction. Nous utilisons également une application téléphonique de traduction. »

Combien avez-vous de personnes ? Qui sont-elles ?

Certaines arrivent, d’autres repartent. Le groupe tourne autour d’une dizaine de personnes en majorité féminines, toutes très demanderesses de supports écrits. Les enfants, eux, sont scolarisés. Nous échangeons aussi sur nos traditions réciproques.

A Chatel, ne se sentent-ils pas très isolés ? Le départ n’est pas un drame ?

Pas du tout. Chatel est un espace de passage, mais aussi un temps où ils se retrouvent entre eux et peuvent se réconforter mutuellement. Ils y sont totalement pris en charge, mais veulent pourtant quitter au plus vite l’assistance et n’hésitent pas à en repartir pour aller vers un logement ou un travail. Ils ressentent leur départ comme une évolution positive.

Evoquent-ils ce qu’ils ont vécu ou leurs proches encore sur place ?

Ils ont une grande pudeur. Ils restent en liaison avec eux par téléphone, mais sont discrets. L’angoisse est présente, mais ils ne l’étalent pas. On s’attache très vite à eux. Des liens se créent. On se sent très proches, puis soudain ils partent. On a forcément le cœur serré. C’est assez déstabilisant.
Alphabet différent, langue différente, culture différente, groupes changeant, niveaux variables, âges multiples… Autant d’excellents prétexte pour ne rien faire. Heureusement, la générosité discrète et surtout désintéressée des quatre Cousançoises les a fait passer sous les radars des inévitables experts institutionnels ou autoproclamés. Nul doute qu’ils auraient immédiatement fusillé l’initiative en la dénonçant comme improvisation maladroite et de préconiser la nécessité préalable d’un groupe de réflexion à réunions multiples mobilisant psy, linguistes, pédagos, universitaires et bien sûr … subventions !
Pas d’argent, pas de salaire, aucune aide. Du bénévolat. Juste un volontarisme créateur pour construire par les mots une passerelle entre slaves et latins. A défaut de disposer d’une méthode clé en main, c’est en marchant que Claudie Briquet, Marie-Thérèse Milland, Claire Scimia et Séverine Buchot l’élaborent. C’est une belle aventure intellectuelle. Elles continuent !

P.R