Dans les ateliers de la Croix-Marine, implantés au sein du Centre Hospitalier Spécialisé, le bois, le cuir ou la pâte fimo se transforment en objets uniques. Mais au-delà des matériaux, ce sont des vies qui se reconstruisent. « La Croix-Marine est née juste après-guerre, quand des psychiatres ont voulu offrir aux patients un espace de vie, après les drames de la Seconde Guerre mondiale », rappelle Jean-Claude Gras, secrétaire de l’association.
Des ateliers pour soigner autrement
Dans les années 1950, les clubs thérapeutiques fleurissent : imprimerie, menuiserie, ferronnerie… « Au départ, c’était de la production. Aujourd’hui, l’objectif est thérapeutique avant tout : donner un rythme, de la concentration, et surtout recréer du lien. »
Du lundi au vendredi, une vingtaine de patients franchissent les portes des ateliers. Bijoux, mosaïques, objets en bois ou flocage sur tissu : la diversité impressionne. « Ce n’est pas de l’occupationnel, insiste Jean-Claude Gras. Et ce n’est pas de la production. C’est du soin, autrement. Le patient reste maître de ce qu’il veut faire. »
Certaines activités se déroulent directement dans les unités, pour les personnes âgées ou les patients qui ne peuvent se déplacer. D’autres s’ouvrent à l’extérieur, comme lors des marchés artisanaux nocturnes de Dole où les créations côtoient celles des artisans locaux. « Quand un patient expose ses objets sur un marché, il redevient avant tout un créateur, un citoyen. C’est ça, le soin. »
Une vitrine et un anniversaire
Toutes les productions sont exposées dans un magasin au sein du CHS. Leur vente permet de financer matières premières et machines. « Nous sommes une association à but non lucratif. Chaque euro récolté repart dans les ateliers », précise le secrétaire.
En 2025, la Croix-Marine fête ses 70 ans. Une grande exposition-vente aura lieu les 5 et 6 décembre à la salle des fêtes du CHS, accompagnée de concerts et d’animations. « Ce sera un temps fort pour montrer le travail accompli et mettre en lumière nos patients. »
La Croix-Marine gère aussi une résidence de 15 studios dans le quartier Saint-Germain, à Dole, destinée à des patients sortis du CHS. Deux hôtesses accompagnent les résidents dans leur quotidien. « L’objectif est de les aider à avancer dans leur autonomie. C’est une étape vers le rétablissement. »
Un avenir incertain
Mais l’avenir interroge. L’association ne touche aucune subvention. Elle a longtemps vécu grâce à des legs et aux revenus de son imprimerie. Aujourd’hui, ces ressources n’existent plus. « Nous vivons sur nos réserves. Il faudra bientôt envisager le mécénat pour maintenir nos activités. Nous avons encore quelques années devant nous, mais il faudra trouver des solutions. »
En attendant, les ateliers continuent de faire vivre les patients. Les mains façonnent, les esprits s’apaisent, les regards changent. « Notre combat, conclut Jean-Claude Gras, c’est la dé-stigmatisation. La maladie ne définit pas nos patients. La création leur redonne une place, une identité, un regard différent. Et c’est bien ça, le soin. »