L’année s’est achevée pour l’AOC crémant du Jura portée sur un nuage de félicité. Pour le compte de l’émission Capital de M6, à l’occasion d’une dégustation à l’aveugle de vins effervescents mêlant crémants de divers vignobles et vins de Champagne, un crémant du Jura enchantait l’aréopage des dégustateurs. À la stupéfaction générale – hors Jura, bien sûr.
Une nouvelle reçue comme il se doit du côté du Jura, laquelle renforçait la notoriété accumulée année après année. Certes, de longue date, des phrases, d’ailleurs très maladroites étaient entendues, comme « il vaut mieux acheter un crémant qu’un champagne par cher ». Il ne s’agissait alors que d’une histoire de prix. Avec le type de dégustation de M6, il s’agit de qualité, ce qui change la donne.
Solide au poste
Saisissons la bulle au vol pour évoquer ce finalement discret compagnon de route du vignoble jurassien. Discret mais essentiel. L’héritier des vins mousseux a pourtant de quoi revendiquer un peu plus de considération.
Pendant que les autres vins se haussent du goulot, avec une régularité et une ponctualité dignes d’éloges, le crémant du Jura représente quelque 28% des vins jurassiens commercialisés pendant la campagne 2017-2018. C’est un matelas bien confortable pour la santé économique du vignoble. En somme son PEB : plan d’épargne bachique.
Le Jura, ça peut jaunir, pailler, ouiller, trousser, chardonner ou encore plousser dans tous les sens, rendant parfois chèvre les plus matois des dégustateurs, pendant ce temps, dans son coin, le crémant reste imperturbable, solide au poste, sans bénéficier de l’aura de ses voisins de cave.
Entre amateurs de vins jurassiens, avez-vous déjà entendu une discussion sur les crémants, des enthousiasmes pour vanter telle ou telle découverte ? On entendrait alors des débats sans fin à propos de la finesse des bulles, de la supériorité des crémant produits du côté de Passenans sur ceux produits du côté de Voiteur ou du Vernois, et inversement – pure spéculation !
« Pétille et tais-toi ! »
On n’entend rien de cela. En revanche, posez quelques clavelins de vin jaune sur la table, quelques bouteilles de ploussard « stratosphériques », et le monde se refait en deux temps trois mouvements. Pourtant, les vignerons ne traitent nullement le crémant par-dessus la jambe.
Depuis 1995, date de l’attribution de l’AOC crémant du Jura, les vignerons sont lancés dans une progression qualitative s’embarquant dans des chemins de traverses très jurassiens qu’ils n’imaginaient peut-être pas voici une vingtaine d’années.
Le crémant reste pourtant une sorte de grognard des vignes et n’en tient pas rancune. Sa vie à lui, et il le sait, c’est : « pétille et tais-toi ! » ou encore « pétille et marche ! ». Pourtant il n’y a pas à barguigner sur la chose : le vin jaune on en parle, le crémant du Jura, on en vend. Comme c’est le printemps, pensez-y lorsque vous commencerez à desserrer le muselet d’un bouchon d’une jolie bouteille d’AOC crémant du Jura.
Encadré 1
Sous la bannière du Jura
La longue tradition des vins effervescents jurassiens prend un tour nouveau au mitan des années 1990 qui furent particulièrement fécondes pour le vignoble. Chaque appellation – Arbois, L’Étoile, Côtes-du-Jura – produit alors ses effervescents, appelés méthode traditionnelle, ou encore méthode champenoise. Dans le populo, c’est plus clair : mousseux – un nom finalement assez joli mais mal vu, connoté vin à roteuse. À l’époque, les producteurs de champagne font le ménage : plus personne ne peut s’arroger le droit d’utiliser un nom qui rappelle les méthodes champenoises.
Dans le Jura, l’option est d’unifier l’ensemble de la production derrière une appellation crémant du Jura avec un cahier des charges musclé pour favoriser la qualité des vins. Le projet est porté par des vignerons tels que Lothain Grand, de Passenans, Marcel Jacquier de la Compagnie des grands vins de Crançot ou encore Pierre Rolet d’Arbois. L’affaire fait des bulles de la taille de vagues, on pétitionne même hardiment pour s’y opposer à commencer par le célèbre Henri Maire, lequel a inventé son fameux Vin Fou. L’appellation est finalement obtenue en 1995 avec les résultats que l’on connaît aujourd’hui.
Encadré 2
Caveau des Byards
Le long de la route qui traverse Le Vernois, le bâtiment du Caveau des Byards abrite une institution du Jura viticole. Ici, pour les 22 associés-coopérateurs qui cultivent 45 hectares de vigne, l’AOC crémant du Jura relève de l’apostolat. La moitié de la vendange y est vinifiée en crémant, héritage d’une longue tradition.
Le succès du crémant du pays, sa notoriété qui pétille de plus en plus, le caveau vit la chose en direct. « Avant même l’officialisation de l’appellation crémant du Jura nous avions adopté les critères de fabrication, notre production était prête à être habilité. » Denis Grandvaux raconte comment les débuts n’ont pas été sans débat en interne. « Quand on a expliqué que le raisin allait être vendangé dans des cagettes ajourées, ça a toussé un peu (1). On s’est rendu compte que tout partait de là : le soin apporté au raisin entraînait toute la chaîne de fabrication et nous avons investi autant en matériel qu’en technique pour améliorer notre savoir-faire. »
Avec le temps, le Caveau des Byards a développé une gamme qui rappelle autant les souvenirs des consommations d’antan comme une cuvée demi-sec, certes marginale, que l’air du temps avec le crémant rosé et l’envie de poursuivre l’aventure vers des horizons nouveaux comme un Blanc de Noirs Brut à base de pinot noir, ou encore une cuvée Prestige qui associe chardonnay (80%) et pinot noir (20%). Soit cinq cuvées dont les prix s’étagent de 8,50 à 13 euros. Des vins qui offrent la possibilité de varier les plaisirs. Suggestion de Denis Grandvaux : « La cuvée Blanc brut, c’est le vin de l’apéritif, des mariages, la cuvée Prestige c’est un crémant de repas, le rosé, ce sont les beaux jours… ».
– Caveau de Byards : www.caveau-byards.fr