L’invité de la semaine : Bernard Marchiset

Responsable régional mais aussi national de la Ligue de Protection des Oiseaux, il dresse un état des lieux de la situation actuelle et donne de précieux conseils pour l’avenir, alors que le printemps vient d'arriver.

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Bernard Marchiset, un important comptage d’oiseaux vient d’avoir lieu : Quels sont les résultats ?
18 000 personnes de plus que l’an passé ont participé à ce comptage au niveau national, ce qui en fait un document sur lequel on peut sérieusement s’appuyer pour ses résultats. La conclusion est qu’on observe un déficit global de 40% d’espèces avec des quantités à chaque fois en forte diminution, un phénomène qui s’accélère. Il suffit d’ouvrir l’œil près de chez soi et chacun peut s’en rendre compte, par exemple avec les chardonnerets particulièrement touchés… mais aussi beaucoup d’autres espèces que l’on ne voit plus ou peu comme le bouvreuil pivoine, d’autres espèces sont moins nombreuses comme les mésanges, les merles, les verdiers…

Comment en est-on arrivé là ?
Les pesticides ont une grande part de responsabilité. Mais il ne faut pas tomber dans la facilité de pointer du doigt les agriculteurs. Les particuliers sont eux aussi responsables en utilisant des produits nocifs. Le glyphosate, les désherbants, les produits anti-limaces…ont fait beaucoup de dégâts dans les jardins, car à vouloir trop bien entretenir nos espaces verts on éradique le vivant, si on ajoute à cela la disparition des habitats par exemple les nids d’hirondelles ou des martinets, la destruction des haies, les coupes des arbres sans se méfier des habitats à l’intérieur; la destruction volontaire de nids parce qu’ils dérangent, on ne peut pas être étonné de ces chiffres.

Que faut-il faire pour inverser cette tendance ?
Chacun peut faire à son niveau de petits gestes. D’abord arrêter d’utiliser des pesticides cela reste la base. Prenons l’exemple des granulés utilisés pour éliminer les limaces, les oiseaux vont manger ses granulés. En éliminant les limaces le jardinier a tué ses meilleurs auxiliaires que sont les hérissons et les oiseaux. Il faut nourrir les oiseaux en hiver tout comme il est important de leur donner à boire en toute saison. Mettre des colliers aux chats permet aussi d’éviter que ceux-ci tuent un trop grand nombre d’oiseaux. Installer des nichoirs pour des espèces communes comme les mésanges, les rouge queues, les sittelles torchepot, les hirondelles ……c’est aujourd’hui nécessaire pour tous ces oiseaux qui cohabitent aisément avec les humains.

Accepter certains changements aussi ?
Il faut aussi laisser vivre la nature que ce soit le sol ou les arbres. Arrêtons de tondre au-delà du raisonnable et laissons des endroits sans tonte, cela va donc favoriser la présence d’insectes. Je rappelle qu’ils constituent la principale nourriture des oiseaux. Des collectivités ont commencé à le faire et c’est très bien pour l’exemple qu’elles donnent.

Vos combats sont-ils bien suivis ?
Contrairement à beaucoup d’autres associations, malgré la crise sanitaire, nos effectifs sont en constante augmentation, preuve d’un intérêt croissant pour la défense de la nature. Une vraie prise de conscience est en marche. La mobilisation pour la biodiversité est en train de gagner toutes les générations et surtout les jeunes qui ont pris conscience de la biodiversité et du respect du vivant, mais aussi d’une meilleure alimentation.
Les jeunes veulent s’engager et se battre pour que la vie soit plus saine, moins dégradée, et que les atteintes à la biodiversité cessent. Les jeunes seront peut-être plus radicaux que nous, les élus devraient vraiment s’en soucier car ils vont se battre pour leur avenir et nous ne pouvons que nous en réjouir. La jeunesse doit être consciente que les combats à mener pour préserver le vivant et la biodiversité c’est pour leur futur car le slogan « pas de travail sur une planète morte » est plus que d’actualité.

Quel appel aimeriez-vous lancer aujourd’hui, alors que le printemps vient d’arriver ?
Engagez-vous. Arrêtons les paroles en l’air et passons aux actes. Il faut continuer nos combats pour sauver certaines espèces, pour préserver le vivant et donc notre planète. Nous devons tous être conscients d’avoir un rôle à jouer, chacun à notre échelle mais que la force du nombre est essentielle pour être entendu et peser dans la table des négociations. Je voudrais pour terminer citer deux personnes qui ont comptées pour moi, d’une part Jean Marie Pelt qui a dit « C’est la mort d’une espèce qui est grave. L’individu lui, est condamné » et Hubert Revees avec ce propos « la biodiversité c’est notre assurance vie ».
Nous aurions dû prendre en compte toutes les alertes de ces personnalités et j’ose citer en plus Théodore Monod, Albert Jacquard… leurs avertissements auraient dû inspirer notre posture, il n’est pas trop tard, du moins je l’espère, pour s’y référer