Dans son objectif, un Jura 100% nature

Amélie Sabanovic, naturaliste, et Guillaume François, photographe et vidéaste animalier vous invitent à suivre leurs traces, vers une nature sauvage et fragile. A travers le portrait de ces passionnés se dessine un monde animal souvent méconnu et toujours surprenant.

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Héron cendré en vol au milieu d'un étang sauvage, dans les premières lueurs du jour. ©-Guillaume-FRANCOIS

Il était une fois deux enfants de la nature, deux enfants de Franche-Comté. L’une Amélie Sabanovic, grandit sur les plateaux du haut-Doubs avant de suivre un BTS « Gestion et protection de la nature » à Carcassonne en 2019-2021. L’autre, Guillaume François grandit à Pannessières (près de Lons-Le-Saunier) en lisière de la forêt : « j’aimais à dormir au pied des arbres, à déchiffrer les empreintes des animaux, émerveillé par la beauté de ce vivant, perdu seul dans la nature ». Dès ses 17 ans, il quitte l’univers scolaire qui ne lui parle pas pour se consacrer pleinement à sa raison de vivre : « utiliser l’image pour sensibiliser le grand public à la beauté de la nature…et lorsqu’on aime quelque chose, on le protège ». Et puis en ce beau jour du 1er janvier 2021, c’est la rencontre, le coup de foudre entre ces deux passionnés de nature. « On voit la nature ensemble, on ne fait plus qu’un face à elle » confient ils : tandis que l’un, armé de ses téléobjectifs, attend avec une infinie patience le passage rare et précieux des animaux de nos forêts, l’autre (Amélie) croque leurs rêves de rencontre à travers dessins et aquarelles. Car ces deux là respectent une éthique consistant à « entrevoir l’intimité du monde sauvage sans entraver son bon déroulement », contrairement à d’autres photographes qui n’hésitent pas à déranger les animaux pour les « shooter ».

Lynx boréal blessé par une collision. Une observation incroyable de plus de 2h30 au pied d’un épicéa. ©-Guillaume-FRANCOIS

2h30 d’intimité avec un lynx

Une course à l’image aux antipodes des valeurs des deux lédoniens : « il faut se fondre dans le végétal, le vivant, montrer patte blanche » témoigne Guillaume François. Des jours, des semaines, des mois, des années de patience pour se faire apprivoiser et mériter enfin LA rencontre : « C’était le 23 février 2021 » se souvient Amélie Sabanovic. « Un lynx a décidé de se montrer, car c’est lui qui choisi. Nous l’avons entendu feuler, puis vu sur un éperon rocheux. Quand on s’est approché, il s’est couché par terre et s’est reposé. C’était incroyable, on est resté 2h30 tout près de lui, il s’est même endormi par moment ! ». Guillaume François poursuit : « Cela faisait 8 ans que je côtoyais ce lynx, mais j’ai remarqué qu’il avait un œil voilé, un croc manquant, qu’il boitait d’un côté, et qu’il avait considérablement réduit son territoire de chasse : les symptômes d’une collision routière. Une des principales causes de disparition des lynx, avec le braconnage… ».  Pour arriver à ne faire qu’un avec la nature, « le repérage représente 90% du travail » confie-t-il : une patience et une lenteur mises à rude épreuve lorsqu’il s’agit de dormir dehors par moins 10 ou moins 20 degrés, afin de saisir un foisonnement de vie au lever ou au coucher du soleil. Comme ce grand tétras, courroucé par deux cerfs un peu ‘pompette’ se poursuivant dans la forêt après avoir abusé des bourgeons d’arbres au printemps.

Guillaume François et Amélie Sabanovic en plein repérage…

Des clés pour changer son mode de vie

Des situations cocasses qui tranchent avec l’inquiétude qui étreint les deux naturalistes face aux coups portés à la nature et à la planète. Inutile selon eux de culpabiliser le grand public quant aux catastrophes promises qui nous attendent, ou de donner des leçons de morale : ils préfèrent sensibiliser à la beauté du monde grâce à de magnifiques ouvrages (lire encadré) et à des sorties naturalistes. Ce sont les raisons d’être de l’association « Sentinelle pour la vie », présidée par Amélie Sabanovic : « On sent que le grand public est de plus en plus sensible aux questions environnementales, mais souvent il ne sait comment agir. Nous essayerons de leur donner des clés » pour agir au quotidien et protéger la nature. Des sorties naturalistes sont ainsi programmées cet été au départ de l’abbaye de Baume les Messieurs. Une abbaye qui abritera aussi une exposition de photographies réalisées par Guillaume François. Des moments forts, pour voir ce que peu de jurassiens ou de touristes ont eu la chance d’apercevoir…

Stéphane Hovaere 

A suivre : « Dans l’intimité de la vie sauvage », exposition de photographies de Guillaume François, dans l’abbaye de Baume-les-Messieurs, tous les jours jusqu’au 31 août 2022. Entrée libre.

Contact : www.guillaumefrancois.com/06 71 91 65 10

Renardeau dans les fleurs posant le museau sur une cardamine. © Guillaume-FRANCOIS

A pas feutrés

C’est le titre du troisième ouvrage réalisé par Guillaume François : près de 200 pages de photos compilant près de 15 ans d’observations et de belles rencontres dans le Jura avec bien sûr le lynx, mais aussi la chouette de Tengmalm, le hibou grand duc, etc. « Le livre est complété par une application audio immersive réalisée par Boris Jolivet, audio-naturaliste très connu qui a collaboré aux films La Panthère des neiges et la Vallée des loups ».

A pas feutrés, de Guillaume François, éditions Sentinelles. Une partie des bénéfices sera reversée aux actions de préservation de la nature jurassienne.

Arc-en-ciel de lumière au travers des ailes d’une mésange huppée. © Guillaume-FRANCOIS

Le Jura sauvage en été

L’été, les animaux sauvages élèvent leurs petits et mangent à foison pour préparer l’arrivée de l’automne et de l’hiver. Pour les observer, seuls l’aube et le crépuscule s’avèrent propices selon les naturalistes, en raison de la chaleur. C’est aussi l’époque où on peut voir voler des martinets à ventre blanc dans la reculée de Baume-les-Messieurs. « Un prodige de la nature » selon Guillaume François : « cet oiseau qui vole très vite ne se pose jamais sauf pour couver ses œufs. Il mange, dort, et se reproduit en vol, et cela peut durer ainsi des années »…un exploit dans le monde animal.

Tiques : la nature est bien faite, si…

On le sait, la Franche-Comté compte parmi les régions les plus touchées par la maladie de Lyme, mais aussi -on le sait moins- parmi celles qui tuent le plus de renards. Tout sauf un hasard pour Guillaume François : « Ce n’est pas la tique qui est porteuse de la bactérie Borrelia, mais les rongeurs et les campagnols. Plus ils se multiplient, et plus les tiques qui s’y fixent pullulent et sont contaminées ». Quand on sait que le renard compte parmi les principaux prédateurs de ces rongeurs, on se dit qu’il serait peut-être temps de préserver maître Goupil pour nous préserver…

La magique reculée de Baume les messieurs lors d’une fin d’été. © Guillaume-FRANCOIS

Les cerfs sont ils trop nombreux ?

Ce reproche fait par les forestiers tient surtout selon Guillaume François au cantonnement des populations. L’agrainage réalisé par les chasseurs pourrait expliquer cela, mais aussi le manque de prédateurs (loups et lynx).  » Ces prédateurs éclatent les populations de cervidés sur les territoires, ce qui permet de mieux les repartir et limite la consanguinité » explique t-il. L’agrainage aurait aussi contribué à la multiplication des sangliers « par 20 en l’espace de 40 ans selon le naturaliste ».