Paul Delsalle, vous êtes historien, pouvez-vous donc commencer par nous présenter l’origine de cette Académie méconnue ?

L’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Franche-Comté est très ancienne. Elle a été fondée en 1752, dans le contexte du siècle des Lumières. À ce moment-là, toute une série d’académies ont été fondées en province sur le modèle de l’Académie française.

Au XVIIIe siècle, il y a quelque chose qui a fait la célébrité de l’Académie de Besançon. À l’époque, elle organisait des concours, c’est-à-dire, elle donnait un sujet et les gens qui voulaient participer pouvaient le faire. Une année, il y a eu comme sujet : « Comment peut-on fabriquer du pain avec des pommes de terre ». C’était un sujet de chimie. C’était en 1772 et c’est un certain Parmentier qui a gagné et qui est devenu ensuite célèbre. En revanche, ce n’est pas lui qui a fait connaître la pomme de terre. Pas du tout. Elle était connue même en Franche-Comté bien avant.

Cet exemple montre bien l’intérêt de l’Académie, qui est d’entendre des choses bien pointues mais qui peuvent avoir un intérêt universel, ou au moins comtois.

 

Comment s’organise cette Académie et quelle est sa véritable utilité aujourd’hui ?

Il y a 40 membres titulaires et une petite centaine de membres associés-correspondants. On est d’abord nommé associé-correspondant, puis au bout de quelques années, les académiciens peuvent proposer de nommer à un fauteuil quelqu’un qui est membre associé-correspondant et qui devient donc académicien titulaire.

Ce qui est très intéressant, c’est que beaucoup de professions sont représentées. Il y a des historiens, des médecins, des juristes, des physiciens, des littéraires, des ingénieurs, des bibliothécaires, etc.

Bon, évidemment, vous allez me dire, il n’y a pas de facteurs, il n’y a pas de manutentionnaires, mais après tout, c’est tout à fait envisageable. Parce que ce qui nous intéresse, c’est d’avoir des gens qui ont une spécialité et qui accepteraient d’en parler de temps en temps. Rien ne nous empêcherait de nommer un facteur ou une infirmière. Il faut simplement en manifester le désir et participer.

Ce qui domine c’est cette curiosité intellectuelle large et l’humanisme, c’est-à-dire la volonté de partager et d’en faire profiter tout le monde.

Le fonctionnement est très simple. Il y a une réunion tous les mois où on écoute une conférence. Je peux vous donner quelques exemples de sujets récents. Il y en a un qui m’a vraiment passionné. C’était fait par un ORL qui a parlé des nouveaux traitements contre la surdité. Je trouve que c’est vraiment très utile et c’était accessible à tout le monde. C’est ça un peu notre principe, c’est d’entendre des exposés sur quelque chose qui est très pointu mais qui a un intérêt pour tout le monde.

 

« Je pars du principe que ce n’est pas du tout élitiste, mais ça reste un peu confidentiel », Paul Delsalle.

 

Durant votre carrière, vous avez mis l’accent sur la vulgarisation, sur la volonté d’être proche des gens, en rendant accessible l’histoire de la Franche-Comté, notamment sous les Habsbourg. Est-ce que c’est la vision que vous voulez porter en tant que président pour cette Académie ?

 

C’est exactement ce que je voudrais faire parce que je pars du principe que ce n’est pas du tout élitiste, mais ça reste un peu confidentiel. On peut très bien ouvrir et faire participer davantage de gens. Donc c’est dans la continuité de ce que j’essaie de faire depuis 50 ans.

Toutes les réunions se tiennent à huit clos, sauf une par an qui a lieu à l’hôtel de ville de Besançon et qui est publique. Tous les travaux sont publiés. On publie un volume avec tous les textes chaque année. N’importe qui peut se procurer la synthèse de tout ce qui a été présenté.

Dans le domaine historique, la collection qui s’appelle « Mémoires et documents inédits pour servir l’histoire de la Franche-Comté » marque bien l’Académie.